théâtre

Dans le cadre du programme de lettres de l’ENS 2024 portant sur le théâtre, nous te proposons dans cet article une analyse détaillée du sujet suivant : « Commentez et discutez ces propos de Florence Dupont, dans Aristote ou le vampire du théâtre occidental (Paris, Flammarion, 2007) : “Le théâtre n’a rien à voir avec la littérature, quoi qu’on fasse pour l’y réduire”. Vous illustrerez votre réflexion par des exemples précis. » Avant de développer notre propos, voici l’axe à partir duquel nous allons ancrer notre analyse : le théâtre n’est-il qu’une performance scénique et corporelle, ou bien est-il d’abord un texte ?

 

Le théâtre est un jeu sur une scène devant un public

Tout d’abord, les questions de la mise en scène, du corps de l’acteur, de l’événement théâtral, du happening et de la théâtralité sont centrales lors du jeu sur scène.

En effet, lorsqu’une pièce est jouée, les formes d’expression théâtrale prévalent largement sur les considérations littéraires. En témoigne l’importance de plusieurs éléments scéniques qui, même s’ils sont mentionnés dans le texte, n’ont pas autant de force une fois représentés sur scène.

 

Les costumes

Les costumes, dans une pièce de théâtre, sont bien plus que de simples vêtements. Ils sont des outils narratifs puissants qui contribuent à la caractérisation des personnages, au renforcement des thèmes et à la création d’une atmosphère particulière pour le jeu sur scène.

Exemple : Dom Juan, Acte III, Scène 1.

Dans cette scène, afin d’échapper aux frères d’Elvire qui veulent faire la peau de Dom Juan pour avoir abandonné leur sœur, le maître et le valet décident de se déguiser pour passer inaperçus. Dom Juan se déguise en habit de campagne, tandis que son valet Sganarelle se grime en médecin.

Cette inversion des rôles sociaux crée un contraste comique, car elle va à l’encontre des attentes sociales. Le choix de Dom Juan souligne son caractère libertin et son mépris des normes sociales établies. Le déguisement de Sganarelle en médecin ajoute, lui, une couche supplémentaire de comédie. Le choix d’un déguisement qui incarne la science et la sagesse crée un contraste amusant avec le comportement souvent absurde et ignorant de Sganarelle. Cela accentue le côté burlesque de la scène, car Sganarelle, déguisé en médecin, est loin de correspondre à l’image traditionnelle du savant.

 

Les décors et les objets

Les décors et les objets sont choisis et disposés de manière à renforcer les thèmes de la pièce, car ils permettent souvent de symboliser des concepts clés ou des métaphores présentes dans le texte. De plus, les objets qu’utilisent les personnages servent à caractériser les individus. Les choix du mobilier, les vêtements et les accessoires personnels sont un moyen de fournir des indices sur la personnalité, le statut social et les motivations des personnages.

Exemple

Le rôle du ruban dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais. Plus précisément, le ruban est associé au personnage de Suzanne, la femme de chambre et fiancée de Figaro. Mais bien plus qu’un simple accessoire, il est surtout un symbole des dynamiques sociales, des jeux de séduction et des stratégies de tromperie qui traversent la comédie. L’utilisation du ruban permet ainsi de renforcer l’intrigue complexe et les thèmes plus larges de la pièce.

Acte I : Chérubin dérobe à Suzanne le ruban de la Comtesse. Il sert à entourer les cheveux de la Comtesse et devient un objet d’adoration pour le petit page.

Acte II : Le ruban est au bras de Chérubin. La Comtesse va gronder gentiment le jeune homme et récupérer le ruban sous de fausses excuses. Le ruban est le symbole de l’attirance entre le page et la Comtesse.

Acte IV : La Comtesse perd le ruban qu’elle tenait serré sur son cœur. Le prix qu’elle accorde à ce ruban surprend et prend une note affective qui annonce presque les prémices de l’adultère. La Comtesse va-t-elle succomber aux avances répétées et touchantes du petit page ?

Acte V : Quand Suzanne jette la jarretière de la mariée (objet personnel qui montre que la mariée accepte publiquement de sacrifier sa virginité), la Comtesse jette le ruban taché de sang et Chérubin le rattrape. On peut y voir ici une noce symbolique entre Chérubin et la Comtesse.

 

Les mouvements scéniques

Les mouvements scéniques ne se limitent pas à des déplacements aléatoires sur scène. Ils sont une partie intégrante de la narration théâtrale, contribuent à la communication, à la création d’espace, à l’expression artistique, et renforcent les thèmes et l’impact émotionnel de la pièce.

La farce cherche le rire et privilégie tout autant le mime que la parole. C’est aussi, d’une certaine manière, le cas de la tragédie envisagée principalement comme un rituel avec des fins avant tout religieuses et politiques.

Exemple : le comique de gestes dans Le Malade imaginaire :

  • Argan poursuit Toinette avec son bâton quand elle le défie au sujet du mariage d’Angélique (fin I, 5).
  • Toinette se venge en donnant des coups d’oreiller à Argan en présence même de Béline qui ne s’aperçoit de rien (I, 6).
  • Argan poursuit Louison pour la fouetter si elle ne dit pas la vérité (II, 8).

 

Le théâtre : un genre littéraire, un texte avant tout

Le théâtre s’inscrit très vite dans une typologie des genres littéraires. Il est aussi un art de la parole et du langage. Au cœur du théâtre se trouve le texte dramatique, écrit par un dramaturge. Ce texte contient les dialogues, les indications scéniques, les didascalies et d’autres éléments nécessaires à la représentation théâtrale. Le dramaturge utilise ainsi le langage écrit pour créer les personnages, l’intrigue, les thèmes et les dialogues.

Ainsi, le texte théâtral peut exister indépendamment de sa représentation scénique. Il peut être lu comme une œuvre littéraire à part entière, et offrir la possibilité aux lecteurs d’apprécier la richesse du langage, les nuances des dialogues et les idées sous-jacentes sans la présence physique des comédiens.

 

Le théâtre, une forme poétique ?

Le grand théâtre a souvent à voir avec la poésie et des formes d’expression qui lui empruntent ses rythmes et ses pouvoirs de suggestion. En effet, comme la poésie, le théâtre a une structure spécifique et peut jouer avec le rythme pour créer des effets émotionnels. Les vers réguliers, les répétitions, les rimes sont autant d’éléments qui contribuent à l’aspect poétique du théâtre.

Le théâtre a le pouvoir d’explorer l’imaginaire et d’utiliser des symboles pour représenter des idées plus vastes. Les dramaturges recourent ainsi à des images poétiques et à des métaphores pour susciter des émotions et provoquer la réflexion, tout comme dans la poésie.

Exemple : la tragédie Bérénice est caractérisée par un travail minutieux sur le langage et un véritable façonnage du mot, en témoigne ce vers célèbre tiré de l’acte IV :

« Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ? Que le jour recommence, et que le jour finisse, 
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice, Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ? »

 

C’est tout pour cette fiche, en espérant qu’elle te sera utile ! Pour d’autres articles sur la prépa littéraire, rendez-vous juste ici !