Le 14 mai 1948 fut proclamée la création d’Israël. Moins de 24 heures après, les pays voisins, c’est-à-dire l’Égypte, la Jordanie, la Syrie, le Liban et l’Irak, déclarèrent la guerre au nouveau pays. Depuis, la présence d’Israël au Moyen-Orient est l’objet de nombreuses tensions. Cet article vise donc à faire état des relations diplomatiques entretenues par Israël au Moyen-Orient et au Maghreb.
Une relation sur la voie de l’apaisement avec la Palestine ?
Depuis la visite de Joe Biden en Israël début juillet, tout portait à croire que les relations entre Israël et la Palestine se réchaufferaient. Pour rappel, le 7 juillet, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, s’était rendu à La Mouqata’a, le siège de l’exécutif palestinien à Ramallah. Il a rencontré le chef de l’Autorité palestinienne à qui il avait demandé une période d’accalmie, au moins pour la visite de Joe Biden.
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Pourtant, durant la suite du mois de juillet, des heurts se répètent entre les autorités israéliennes et les Palestiniens, en particulier le Hamas.
Début août, un cessez-le-feu entre Israël et le Jihad islamique à Gaza est signé. Amorce potentielle de la détente, cet accord est suivi deux semaines plus tard d’une augmentation du nombre de travailleurs palestiniens originaires de la bande de Gaza pouvant entrer en Israël.
Mais les mois de septembre et octobre ont ravivé les tensions entre les deux parties. En effet, plusieurs actes de violence sont survenus. À l’image du meurtre d’un jeune palestinien par l’armée israélienne, ou encore de l’assassinat d’une soldate israélienne à Jérusalem.
Prises dans l’instabilité de la violence et la défiance chronique, les relations entre Israël et la Palestine évoluent donc constamment, tout en demeurant influencées par les racines du passé.
Une relation améliorée avec la Turquie
Élément aussi récent que surprenant pour de nombreux analystes, la normalisation des relations diplomatiques entre Israël et la Turquie marque très certainement, si ce n’est un revirement stratégique de la part de la Turquie, une évolution géopolitique majeure autour de la Méditerranée.
En effet, la Turquie exprime depuis l’arrivée de l’AKP au pouvoir en 2003, et ce, en particulier par le biais des vitupérations de son dirigeant, Recep Tayyip Erdogan, un ressentiment fort à l’égard d’Israël. Les raisons sont multiples.
D’abord, la Turquie soutient la Palestine et dénonce les agissements d’Israël vis-à-vis de cette dernière, en particulier la colonisation. Ensuite, le régime de Recep Tayyip Erdogan, proche du mouvement des Frères musulmans, entretient des liens ténus avec le Hamas.
En effet, Erdogan exprime un soutien indéfectible au Hamas et s’est affiché plusieurs fois avec deux hauts dirigeants du mouvement islamiste, Saleh al-Arouri et Ismaïl Haniyeh. Ces derniers figurent tous deux sur la liste des terroristes mondiaux élaborée par Washington.
Pourquoi alors ce revirement ? Plusieurs facteurs permettent de l’expliquer
En premier lieu, comme l’explique Aykan Erdemir, ancien membre du Parlement turc, dans un article de Foreign Policy, la Turquie pourrait avoir été séduite par le projet de gazoduc en Méditerranée orientale. Ce dernier permettant d’acheminer le gaz israélien vers la Turquie, puis vers l’Europe. En particulier, Ankara espère rejoindre le East Mediterranean Gas Forum, organisation composée de différents pays riverains de la Méditerranée, dont Israël et l’Égypte, et promouvant une coopération énergétique.
Ensuite, outre le gaz, la Turquie voit en son voisin méditerranéen des opportunités économiques et commerciales. Et ce, notamment du fait qu’Israël est l’une des principales économies de la région.
Pour autant, même si les relations s’améliorent progressivement, comme le montre la rencontre à New York entre Yaïr Lapid et Recep Tayyip Erdogan en septembre dernier, le Premier ministre turc, Mevlüt Cavusoglu, a maintes fois répété le soutien de la Turquie à la cause palestinienne. Il a ainsi déclaré : « Nous continuerons de défendre les droits des Palestiniens, de Jérusalem et de Gaza. »
Un réchauffement des relations avec les pays voisins
Dans la période récente, nombreux ont été les pays voisins d’Israël à revoir leur relation avec ce dernier. Bien sûr, par le passé, certains événements avaient déjà été de nature à pacifier les relations entre Israël et son voisinage. Notamment les accords de Camp David en 1978 avec l’Égypte. Mais aujourd’hui, Israël semble concrètement être de plus en plus accepté par ses voisins proches.
Israël et la Jordanie
Israël a développé une coopération commerciale, et surtout énergétique, avec la Jordanie. En effet, les deux pays ont convenu le 22 novembre 2021 d’un accord permettant au royaume jordanien de fournir de l’énergie solaire à Israël en échange d’eau désalinisée.
Si aucune précision supplémentaire n’a été apportée depuis la signature de l’accord, notamment au sujet de la date d’entrée en vigueur, l’énergie exportée vers Israël par le royaume hachémite devrait être produite par une centrale solaire construite par les Émirats arabes unis. De plus, le ministère israélien de l’Énergie a déclaré que l’accord signé produira 600 mégawatts d’énergie renouvelable pour Israël et permettra de dessaler 200 millions de mètres cubes d’eau pour la Jordanie.
Israël et l’Égypte
Les relations s’améliorent véritablement avec l’Égypte. En septembre 2021, Naftali Bennett est devenu le premier Premier ministre israélien à se rendre officiellement en Égypte depuis plus d’une décennie. Il a notamment rencontré le président Abdel-Fattah al-Sissi dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh.
Plus récemment encore, l’Égypte et Israël sont en pourparlers avec l’Autorité palestinienne pour exploiter du gaz au large de Gaza. Le seul problème est que la bande de Gaza n’est pas contrôlée par l’Autorité palestinienne, mais par le Hamas. Un haut responsable de l’Autorité palestinienne a tout de même déclaré que des « discussions sérieuses étaient en cours pour parvenir à un accord-cadre ».
Elles impliquent l’entreprise palestinienne Consolidated Contractors Company (CCC), le Fonds d’investissement palestinien (FIP), l’Egyptian Natural Gas Holding Company (Egas) et Israël. Dès la signature de l’accord, la société égyptienne Egas entamera les travaux afin de développer les gisements Marine 1 et 2. Les réserves du gisement sont estimées à 28 milliards de mètres cubes de gaz naturel.
Israël et le Liban
Israël est parvenu il y a peu à un accord de délimitation de sa frontière maritime avec le Liban. Objet de tensions entre les deux pays depuis plusieurs années, la fixation de la frontière maritime devrait notamment permettre au pays du Cèdre d’exploiter différents gisements gaziers et pétroliers. Conclu après d’âpres négociations menées sous l’égide des États-Unis, cet accord représente une avancée majeure sur le plan diplomatique pour les deux pays.
L’aboutissement à un accord sur la démarcation de la frontière maritime « n’est pas le travail d’un instant, mais le fruit d’un long processus débuté en 2010 », a souligné le chef de l’État libanais, Michel Aoun.
Une normalisation des relations diplomatiques sous l’égide des États-Unis
Les États-Unis constituent au Moyen-Orient un acteur majeur, et ce, en particulier pour Israël, allié de longue date. En particulier, les États-Unis sont régulièrement impliqués dans les accords diplomatiques conclus par Israël. En témoigne l’accord trouvé avec le Liban sur la délimitation de la frontière maritime évoqué plus haut.
L’implication américaine a en particulier été forte sous la présidence de Donald Trump. Un exemple : les accords d’Abraham d’août 2020, signés sous l’égide des États-Unis avec Israël, le Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Maroc, ont été de nature à pacifier les relations entre l’État hébreu et les deux pays arabes.
S’inscrivant ainsi dans une certaine continuité vis-à-vis de son prédécesseur, Joe Biden a opté pour une participation active aux affaires de la région. Ainsi, fin mars 2022, le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et les chefs de la diplomatie d’Israël, d’Égypte, de Bahreïn, des Émirats arabes unis et du Maroc étaient présents en Israël pour discuter de la paix au Moyen-Orient et du programme nucléaire iranien.
Intitulée « Sommet du Néguev », cette rencontre des différents représentants étatiques a été l’occasion pour les États-Unis d’insister à nouveau sur la présence d’un ennemi commun à la région : l’Iran.
L’Iran, un ennemi perpétuel
Israël profite du bellicisme de l’Iran pour consolider ses relations diplomatiques dans la région. Par exemple, en novembre 2021, près d’un an après la signature des accords d’Abraham, Israël a mené ses premières manœuvres navales conjointes avec Bahreïn et les Émirats arabes unis. Les trois pays expriment des préoccupations sécuritaires au sujet de l’Iran, accusé d’avoir orchestré des attaques contre des navires dans la mer Rouge et dans le détroit d’Ormuz la même année.
Par la suite, le 30 janvier 2022, le président israélien, Isaac Herzog, a effectué une visite aux Émirats, où il a rencontré Mohammed ben Zayed ainsi que d’autres responsables émiratis. Les entretiens ont notamment porté sur le dossier nucléaire iranien, un sujet d’inquiétude commun aux deux pays.
Enfin, comme évoqué plus haut, le Sommet du Néguev de mars 2022 a été motivé par l’agitation du spectre iranien. Yaïr Lapid, chef de la diplomatie israélienne, l’a affirmé : « Cette nouvelle architecture, les capacités partagées que nous construisons, intimident et dissuadent nos ennemis communs, en premier lieu l’Iran et ses mandataires. »
En clair, la menace iranienne représente pour Israël une aubaine sur le plan diplomatique.
La puissance économique au service de la diplomatie
Israël bénéficie de son statut de puissance économique pour rayonner dans la région et ainsi développer des partenariats sur différents plans.
Sur le plan sécuritaire
Par exemple, le Maroc entend développer ses relations avec Israël sur le plan commercial, mais aussi sécuritaire. En effet, le Maroc et Israël ont signé un « accord de coopération sécuritaire » le 24 novembre 2021. Ce dernier prévoit de futures collaborations dans différents domaines tels que les renseignements, l’industrie, ou encore la formation militaire.
À ce sujet, il convient de préciser que le rétablissement des relations entre Israël et le Maroc s’est fait en échange de la reconnaissance par Washington de la souveraineté du royaume chérifien sur le territoire disputé du Sahara occidental.
Sur le plan commercial
Ensuite, sur le plan commercial, Rabat et Tel-Aviv poursuivent leur rapprochement. Les deux pays ont signé, le 21 février 2022, un accord de coopération économique et commercial. Ce dernier vise à quadrupler les échanges commerciaux entre les deux pays pour les porter à 500M$/an, alors qu’ils s’élèvent aujourd’hui à 130 M$/an. Rabat et Tel-Aviv espèrent notamment renforcer leurs liens dans les domaines du numérique, de l’agroalimentaire, de l’automobile et de l’aéronautique.
Sur le plan énergétique
De plus, Israël et le Maroc ont signé fin septembre un accord historique de coopération énergétique. L’objectif d’un tel accord est de favoriser la coopération scientifique. En particulier pour des thématiques bien précises telles que le développement des batteries rechargeables, le recyclage, l’énergie solaire, ou encore l’hydrogène. En clair, les relations entre Israël et le Maroc ne font que progresser.
De même, les Émirats arabes unis voient en Israël de nombreuses opportunités économiques et commerciales. Ainsi ont-ils conclu un accord de libre-échange avec l’État hébreu le 1er avril 2022, un an et demi après la normalisation de leur relation.
Cet accord vise à abolir les droits de douane sur « 95 % des produits » échangés entre les deux nouveaux partenaires. Dont les échanges commerciaux se sont chiffrés à 900 millions de dollars en 2021, selon les données officielles israéliennes.
Ainsi, Israël profite de sa situation économique pour développer ses relations diplomatiques aussi bien au Moyen-Orient qu’au Maghreb.
J’espère que cet article t’aura été utile pour cerner les différents enchevêtrements diplomatiques dans lesquels est pris Israël au Moyen-Orient et au Maghreb. Tu peux retrouver toutes nos ressources de géopolitique juste ici !