En 1976, le géographe Yves Lacoste, dans son ouvrage La Géographie, ça sert d’abord à faire la guerre, définit la géopolitique comme l’étude des rivalités de pouvoir sur un territoire et des populations qui y vivent. En outre, l’Antarctique, au même titre que les autres territoires, peut faire l’objet d’une étude géopolitique. Dans cet article, Major-Prépa te propose un zoom sur la géopolitique de l’Antarctique.
Présentation de l’Antarctique
L’Antarctique est un continent situé autour du pôle Sud, qui a une superficie de 14 millions de km2, voire 30 millions avec l’extension de la banquise en hiver. La quasi-totalité du sol est recouverte de glace du fait des conditions climatiques extrêmes allant de – 20 à – 60 °C pour les périodes les plus froides. De ce fait, aucune population n’a vécu sur le continent austral. Néanmoins, de nombreux scientifiques restent plusieurs mois dans l’année pour l’étudier. De nombreux animaux y vivent également, comme les manchots.
L’Antarctique est très éloigné des autres continents. Entouré de l’océan austral, c’est le dernier continent découvert par l’homme. C’est en effet James Cook qui est le premier à faire le tour du continent et à franchir le cercle polaire entre 1772 et 1775. En 1840, le Français Jules Dumont d’Urville accoste sur une partie du continent, qui deviendra la Terre Adélie. Ce n’est qu’en 1911 que le pôle Sud est atteint par un Norvégien, Roald Amundsen.
Continent de paix et symbole du multilatéralisme
L’Antarctique est au départ convoité
Dès sa découverte et durant le XXe siècle, plusieurs États convoitent le continent. L’Argentine et le Chili revendiquent une partie qui serait située sur le même plateau continental que leur pays. La Norvège, la France, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande revendiquent les régions qu’ils auraient découvertes.
Néanmoins, malgré ces revendications, aucun conflit n’a jamais été à déplorer, du fait, notamment, des scientifiques.
Un continent réservé à la science
Dès le XXe siècle, les scientifiques de toutes nationalités font pression pour réserver le continent à la science. Dès lors, en décembre 1959, les sept États ayant des revendications, l’Afrique du Sud, l’URSS, le Japon, la Belgique et les États-Unis signent le traité sur l’Antarctique. Ce traité bloque les revendications des États sans les annuler et interdit la militarisation du continent. La réunion consultative du traité sur l’Antarctique (RCTA) est créée. Elle compte aujourd’hui plus de 54 membres qui se réunissent tous les ans pour gérer le continent et ses 80 bases scientifiques. En 1980, elle a initié la convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) qui protège l’écosystème du territoire.
En 1991, l’Antarctique est reconnu comme une réserve naturelle consacrée à la paix et la science. De ce fait, les scientifiques mènent régulièrement des études sur le continent, qui nous permettent d’en apprendre plus sur notre climat. S’ajoutent à cela des études d’astronomie, de sismologie et d’astrophysique. Elles symbolisent parfaitement la coopération entre les scientifiques de différentes nationalités. Par exemple, en 2004, une étude franco-italienne permet d’en apprendre plus sur 800 000 ans de notre climat.
Le continent de paix menacé ?
Des revendications croissantes des États
Tout d’abord, les États utilisent les bases scientifiques comme des pions géopolitiques. En effet, du fait des bases scientifiques, les États-Unis et la Russie se réservent le droit d’émettre des revendications. De plus, dans les années 1970-1980, le Chili et l’Argentine ont fondé deux microcolonies. Des populations civiles se sont installées, avec des femmes enceintes pour qu’elles accouchent et des écoles pour les enfants.
Ces dernières années, il y a une multiplication d’acteurs sur le continent, notamment l’implication de la Chine. En effet, le pays y possède quatre bases. De plus, le pays possède deux navires brise-glace et en construit actuellement un autre. L’État a aussi multiplié ses investissements dans des pays stratégiques comme le Chili et l’Argentine. La Chine investit également dans le port de Hobart en Tasmanie, qui peut être vu comme un futur hub vers le continent de paix. Encore plus problématique, une cinquième base est en construction en mer de Ross sans l’aval des autres nations. Une première dans l’histoire du continent.
On voit émerger aussi des alliances contre la protection environnementale en Antarctique. En effet, la Russie et la Chine se sont opposées à la protection renforcée de certaines aires marines protégées afin de continuer la pêche. Mais c’est aussi les métaux et hydrocarbures qui intéressent les États, dont l’exploitation est interdite depuis 1991 par le protocole de Madrid.
L’émergence d’acteurs privés
De nombreuses entreprises s’intéressent aux icebergs, car ils sont des réservoirs d’eau douce. C’est en remorquant les icebergs que des entreprises souhaitent répondre à la demande en eau potable dans les régions touchées par la sécheresse dans les prochaines décennies. Néanmoins, cette solution semble peu probable à court terme.
Toutefois, c’est aussi l’activité touristique qui est utilisée par les entreprises. Ces dernières années, l’augmentation du tourisme inquiète les scientifiques. Avant la pandémie, en 2019-2020, on comptait 74 000 touristes pour seulement 3 000 en 1990. De ce fait, les navires de croisières, hélicoptères et drones menacent la tranquillité des animaux, mais aussi leur santé, du fait des risques de pollution si un navire fait naufrage.
Pour faire face à cela, des règles limitent le débarquement des touristes sur le continent et les aires protégées se multiplient afin de préserver la faune et la flore du continent.
Conclusion
À l’origine, les scientifiques sont parvenus à imposer le multilatéralisme comme méthode de décision pour protéger le continent. Néanmoins, ce statut de continent de paix et de science semble aujourd’hui gravement menacé, en raison, d’une part, des aspirations géopolitiques des États comme la Chine, et, d’autre part, de la volonté de profit d’entreprises privées.
Cependant, il est nécessaire de nuancer cette vision. En effet, il est possible de contester le statut de l’Antarctique, mais les conditions de renégociation sont strictes. Il faudrait le vote à l’unanimité des 29 pays du RCTA pour lever l’interdiction d’exploitations des hydrocarbures. Mais il faut rappeler que certains États peuvent parfois se moquer de ces interdictions, comme la Chine qui ouvre des bases scientifiques sans l’accord des autres États.
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