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Ça y est, les sujets d’Ecricome en histoire, géographie et géopolitique du monde contemporain sont tombés, mettant fin au suspense insoutenable qui torturait les candidats depuis plusieurs semaines. Conformément à leurs habitudes, les concepteurs des sujets vous ont proposé un sujet à portée mondiale, un autre confiné à l’échelle régionale. Comme on pouvait s’y attendre, c’est le sujet sur le Moyen-Orient qui a hérité du commentaire de carte, puisque en 2015 et en 2014, ce privilège fut accordé aux sujets globaux ; l’équité est rétablie et nous nous en réjouissons chez Major-Prépa.
Premier constat : les sujets n’avaient rien de bien désarmant à l’aune des thèmes abordés. Le Moyen-Orient n’était pas tombé depuis un petit moment (2010) à Ecricome et Major-Prépa vous avait d’ailleurs conseillé de le bachoter avant jeudi 9h00. Quant aux inégalités, c’est une notion qui n’avait jamais été mentionnée dans les intitulés de cette banque d’épreuve (ni dans aucune autre d’ailleurs) et qui demeure très prégnante dans les débats politiques actuels. Nul doute que bon nombre de professeurs de géopolitiques avaient anticipé cette éventualité et préparé leurs élèves en conséquence. On espère donc qu’aucun des deux sujets ne vous a pris à défaut, ou du moins que vous avez jeté votre dévolu sur l’un d’eux avec conviction et sérénité.

Deuxième constat : les deux libellés ne présentaient pas de difficultés particulières. Pas d’intitulé long et alambiqué, nulle trace non plus de termes jargonneux ou méconnus. L’analyse des sujets, à laquelle vous devez consacrer une partie non négligeable du temps imparti, sera certainement plus sinueuse pour la suite des réjouissances (géopo ESSEC le 27 avril et géopo ESCP le 28 avril). Le premier sujet interrogeait l’influence de la mondialisation et de l’internationalisation sur les inégalités en général, une question légitime à l’heure où l’emprise de ces phénomènes sur le monde semblent irréversibles. La réponse à apporter était en revanche bien moins limpide, nous allons le voir. Quant au second sujet, il était particulièrement proche des intitulés du programme, n’orientait pas vraiment votre réflexion et invitait donc à présenter un tableau contemporain du précaire équilibre moyen-orientaux. Il fallait surtout résister à la tentation de plaquer des pans entiers de votre cours et bien veiller à problématiser, esquisser une démonstration en s’appuyant sur des éléments géopolitiques, historiques, géographiques…

I – Premier sujet : l’internationalisation et la mondialisation ont-elles permis la réduction des inégalités dans le monde depuis 1950 ?

Il convient de nuancer la supposée simplicité que nous évoquions ci-dessus. Si la question posée était effectivement limpide, le sujet lui ne l’était pas forcément. Il y avait certains pièges dans lesquels une flopée de candidats n’auront pas manqué de tomber. Après tout, ce type de concours doit se montrer discriminant puisque l’objectif in fine est bien de hiérarchiser les copies.

Les écueils qu’il fallait à tout prix éviter :

–          En premier lieu, il fallait se souvenir de ce que « problématiser » signifie. La problématique découle d’une véritable réflexion menée pendant l’introduction et basée sur votre connaissance du monde contemporain. Bref, il était absolument exclu de reprendre la question telle quelle en guise de problématique ! Un sujet, même tournée à l’interrogative, ce n’est pas une problématique. Désolé.
–          Un peu moins grave, mais quand même : il ne fallait pas occulter le terme internationalisation et traiter le sujet : « la mondialisation a-t-elle permis la réduction des inégalités dans le monde depuis 1950 ? ». L’internationalisation, c’est l’essor des échanges commerciaux à partir des années 1950 (là où débute le sujet). La mondialisation débute dans les années 1980 et concerne l’essor des flux de tout type et surtout, l’émergence d’un espace réticulé (= organisé en réseau) à l’échelle mondiale. La mondialisation est donc un phénomène plus récent, complexe et protéiforme, qui transforme en profondeur (mais pas uniformément) les territoires et les hommes qui y résident.
–          Dans la chronologie qui accompagnait le sujet figurait deux ouvrages majeurs : Richesse et pauvreté de George Gilder et Le capital au XXIème siècle de du Français Thomas Piketty. Le second, paru en 2013, a bénéficié d’un écho mondial et effectivement de la question des inégalités. Néanmoins, celui-ci fait 900 pages et les correcteurs ont horreur des mentions très allusives à la pensée d’un auteur. Si vous vous êtes contenté fièrement d’un (capital>travail = accroissement des inégalités), pas sûr que le 18 soit d’ores et déjà assuré…

Ce qu’il fallait dire :

Il était assez facile de mettre en exergue l’intérêt d’un tel sujet. Les inégalités sont devenues à travers le monde  un fléau que tous les hommes politiques ou presque tentent de combattre. Les inégalités lorsqu’elles sont trop importantes affaiblissent l’économie car elles ralentissent la consommation, provoquent des troubles sociaux etc. On pouvait en guise d’accroche citer l’actuelle présidente de la FED, madame Janet Yellen, qui a déclaré en 2014 : « Je crois que le temps est venu de nous demander si cette évolution (l’accroissement des inégalités) est compatible avec les valeurs ancrées dans l’histoire de notre nation, parmi lesquelles la très haute importance accordée depuis toujours par les Américains à l’égalité des chances ». Il pouvait également d’être opportun de commencer en évoquant le rapport d’Oxfam selon lequel cette année, les 1% les plus riches détiennent autant que les 99% autres. Pour ce qui est de la démonstration même, il ne fallait sans doute pas trop se montrer trop manichéen dans l’analyse. L’internationalisation et la mondialisation agissent très différemment selon les territoires. Grossièrement, si ces phénomènes ont réduit les écarts de niveau de vie à l’échelle du globe, permettant une « moyennisation » mondiale, elle ont tendance à creuser les inégalités au sein d’une même nation. On pouvait notamment citer La mondialisation des inégalités de François Bourguignon qui défend cette thèse. A ce titre, il est éloquent de constater l’explosion de l’indice GINI (qui mesure les inégalités intra-nationales) en Chine entre l’ouverture des premières Zones économiques spéciales (1979) et aujourd’hui. A l’inverse, on peut voir que la réussite anticipée de bon nombres « d’objectifs du millénaire » (mentionnés dans la chronologie) définis en 2000 par les Nations Unies prouvent que certains types d’inégalités reculent.

Ci-dessous, l’analyse de Matthieu Alfré, diplômé d’HEC et auteur d’ouvrages d’économie et de géopolitique :

Tout d’abord, le sujet impose un traitement datant de la moitié du siècle dernier. C’est à partir de cette période que les puissances européennes initient leur reconstruction tandis que les pays asiatiques optent pour une stratégie de développement. Par ailleurs, ce sujet exige également une capacité à définir les inégalités. A cet égard, un défaut de traitement classique consisterait à ne pas traiter toutes les dimensions des inégalités. En effet, il s’agit d’être capable d’élaborer plusieurs strates de ces écarts de possession, de richesse ou de « capabilités » (Amartya Sen – Repenser l’inégalité) entre les individus, les sociétés ou les espaces. Ainsi, les inégalités peuvent être internationales comme entre les PMA, les pays émergents ou les pays développés. Elles peuvent être spatiales comme entre les régions dynamiques ou les zones grises. Elles peuvent être sociales entre les franges très aisées qui appartient au premier centile de la grille des revenus ou les personnes les plus pauvres qui ne disposent guère de plus de 2$ par jour pour vivre. Toutes ces dimensions appellent un traitement spécifique.

Ensuite, le besoin de problématisation ne peut que se faire sentir avec un sujet aussi ample. Les candidats ne devaient sans doute pas se limiter à un descriptif fastidieux des formes des inégalités mondiales. La copie de géopolitique ne peut pas être un simple inventaire factuel. A ce sujet, il valait mieux opter pour une approche plus explicative et plus dynamique. Explicative où il s’agirait de mettre en avant le poids de la géographie ou de l’histoire autant que les politiques publiques pour l’existence d’inégalités. Dynamique où les tendances à l’œuvre dans la réduction des inégalités internationales ne devaient pas éclipser la persistance, sinon le renforcement, des inégalités sociales. Sous ces conditions de réflexion, il est certain que les candidats dont la conclusion a tendu vers l’essai de prospective sauront surprendre agréablement les membres du jury.

II – Second sujet : Le Mo depuis les années 1990 : un nouvel ordre régional (carte : « une nouvelle guerre froide irano-saoudienne ? »)

Les écueils qu’il fallait éviter :

  • il y a sans doute moins de gros « pièges » dans ce sujet, si ce n’est la propension de certains candidats  à proposer des problématiques insipides, sous prétexte que ce sujet est très proche du cours. On espère que ça n’a pas été votre cas.
  • Il fallait absolument évoquer toutes les dimensions de la discipline dans un tel sujet, la géographie (emplacement des ressources, hauts lieux confessionnels, terre arables…) et l’histoire (rivalités et alliances historiques entre les puissances moyennes-orientales ou avec le reste du monde, clivages ethniques et religieux au sein d’un même territoire…) devaient prendre une place importante dans la copie, au même titre que la géopolitique pure.
L’analyse de Matthieu Alfré :

De facture plus originale en raison de sa borne historique, ce sujet met l’accent sur la compréhension géopolitique et l’expression personnelle du candidat.

Selon les termes du sujet, la zone mentionnée ne nécessitait pas le traitement du monde arabo-musulman dans son entier (incluant le Maghreb et le Machrek) mais plutôt le Proche-Orient et ses alentours. En outre, le choix des années 1990, constitue une référence explicite à la fin de la Guerre Froide tout comme à l’affirmation des ambitions mondiales des pétromonarchies du Golfe. En effet, la multitude d’influences exercées sur le Moyen-Orient (ex-puissances coloniales, Deux Grands, puissances régionales sunnite ou chiite), invite à s’interroger sur l’émergence d’un nouvel ordre. Dans ces conditions, il s’agissait d’insister sur les nouveaux rapports de force susceptibles de s’exprimer dans une zone aussi tendue qu’est le Moyen-Orient aujourd’hui.

Or, dans ce sujet, le choix du plan peut constituer un enjeu. Il n’est pas absolument évident de déterminer des césures historiques définitives. Ainsi, opter pour un plan thématique avec les enjeux principaux ou un plan géographique avec les pôles d’influence peut sembler plus satisfaisant. Quoiqu’il en soit, l’enjeu de la correction portera tant sur l’aptitude à restituer des faits que celle d’exprimer les tensions. D’une part, à titre d’exemple, la permanence de l’opposition séculaire entre les Chiites et les Sunnites est une grille de compréhension du conflit actuel en Syrie. D’autre part, à titre d’exemple à nouveau, les assauts terroristes dans les territoires comme Hébron et les représailles de l’Etat hébreu sont susceptibles d’entraîner une nouvelle Intifada. Ces deux foyers de tension n’en sont que quelques-uns qui appellent un traitement approfondi.

Je suis de tout cœur avec vous pour les concours d’école de commerce. Et je vous souhaite de rester courageux et lucides dans cette superbe aventure !

Ancien élève du Lycée Kléber de Strasbourg, Matthieu Alfré est aussi titulaire de trois diplômes de master : HEC Paris, Sciences Po Paris et la Sorbonne. Au terme de ses études, il part autour du monde en solitaire pendant deux ans dans le cadre du projet « Faire de sa vie une aventure ». Aujourd’hui, il a fait le choix de se consacrer à ses passions qui sont l’éducation et l’aventure.