Tantôt traduit par “pouvoir doux”, “pouvoir mou », “influence » ou encore “rayonnement”, le soft power, que l’on doit à Joseph Nye, est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Il y a donc fort à parier que tu aies déjà entendu parler, voire utilisé, l’expression soft power. Cette dernière désigne la capacité d’un État à influencer d’autres États par des éléments culturels et idéologiques, là où le “hard power” utilise force et menaces. Major Prépa fait le point sur le soft power, notion désormais passe-partout et dont les tenants et aboutissants s’avèrent parfois opaques. Tu trouveras dans cet article la définition du soft power et ses caractéristiques, les principaux enjeux ainsi qu’un panorama des soft powers de plusieurs pays. Bonne lecture !
#1. Les origines anciennes du soft power
Si les premières pistes de réflexion sur les logiques du pouvoir étatique émergent réellement dans les années 1970, le soft power constitue un sujet aussi ancien que l’histoire de l’humanité. C’est d’ailleurs ce que souligne le politicien américain Joseph Nye, fondateur du concept. Selon lui, “le soft power est une tendance naturelle chez l’homme, bien en amont de toute stratégie politique […] ainsi la réalité du soft power est bien loin d’être nouvelle”.
Certains philosophes de Chine ancienne, comme Lao Tseu ou Confucius évoquent déjà le pouvoir de certains leaders, qui repose sur leur charisme et leur capacité de séduction plutôt que sur leur force militaire. La culture du pays est déjà mentionnée comme un instrument géopolitique.
« Si les habitants des contrées éloignées ne reconnaissent pas l’autorité du prince, qu’il fasse fleurir la culture, afin de les attirer ». Confucius, Les Analectes (551-479 av. J.-C.).
#2. Le soft power : un concept pensé par et pour les États-Unis
L’idée de soft power telle qu’elle a été proposée par Joseph Nye en 1990 s’inscrit dans un contexte idéologique et géopolitique particulier.
Durant les années 1970 et 1980, les États-Unis sont fragilisés par la thèse du déclin de la puissance américaine. Certains événements économiques, politiques, scientifiques et culturels affaiblissent l’empire étasunien. On peut citer, entre autres, le lancement du programme Spoutnik par l’Union soviétique à la fin des années 1950, les nombreuses dévaluations du dollar par le Président Nixon, les chocs pétroliers des années 1970, la désindustrialisation de la Rust Belt ou encore les mesures libérales sous la présidence de Ronald Reagan pendant les années 1980.
L’hégémonie américaine fléchit sans pour autant être totalement anéantie. En effet, la situation se stabilise à la fin de la décennie des années 80. L’issue de la guerre froide se fait sentir : les pays entretiennent des relations plus pacifiques et sont de plus en plus interdépendants. Pour le formuler autrement, l’éventualité d’une troisième guerre mondiale a été réduite au minimum. Francis Fukuyama parle d’ailleurs de la fin de l’Histoire : formule qui fait le pari de la fin des conflits armés dans une nouvelle ère de paix, grâce au libéralisme. De concert avec l’avènement de la Pax Americana, Joseph Nye propose, avec le “soft power”, une clé de lecture de la “puissance douce” nord-américaine, confrontée à de nouveaux enjeux géopolitiques. Il rebat les cartes géopolitiques et replace la puissance étasunienne sur le devant de la scène.
#3. La définition du soft power selon Joseph Nye
Joseph Nye (né en 1937), politologue et intellectuel américain, professeur de relations internationales, publie en 1990 Bound to Lead : The Changing Nature of American Power. Cet essai propose sa première définition du concept de soft power. Ce dernier renvoie à la capacité de séduction et de persuasion d’un pays, ne reposant ni sur la force, ni sur la coercition. Cette influence s’exerce auprès d’autres acteurs pour les amener à penser de manière convergente ou changer de comportement, de manière douce, indirecte. À la suite de sa publication en 1990, Joseph Nye a approfondi sa théorie et affiné ses arguments à travers de nouveaux articles et ouvrages.
“ Cet aspect du pouvoir – c’est-à-dire amener les autres à vouloir ce que vous. Le pouvoir co-optif peut reposer sur l’attraction des idées ou sur la capacité de définir l’agenda politique d’une manière qui oriente les préférences des autres. (…) Cette dimension peut être considérée comme le soft power”.
Le soft power selon Joseph Nye s’appuie sur trois ressources principales : la culture, l’idéologie et les institutions internationales. Ces trois éléments servent le soft power quand ils attirent une nation étrangère, sont considérés comme légitimes et font autorité. Pour Nye, ce sont les nations à tendance universalistes et libérales, comme les États-Unis, qui sont les plus susceptibles d’avoir un soft power remarquable. Notons aussi que le soft power repose également sur la société civile et ses différents acteurs non gouvernementaux, économiques et sociaux, qui co-construisent la “puissance douce”.
#4. Combiner hard power et soft power : le smart power
Joseph Nye n’éjecte pas de son analyse la puissance dite “dure” communément appelée hard power. Pour rappel, il s’agit d’une force coercitive classique utilisée par un pays pour imposer sa volonté et contraindre d’autres acteurs à agir dans la même direction. Il peut être question de puissance militaire, mais aussi économique, financière ou encore démographique. Cette façon de procéder illustre le principe de la loi du plus fort, où un acteur use de sa position dominante dans un plusieurs domaines pour parvenir à ses fins. En ce sens, hard et soft power sont opposés.
Joseph Nye réhabilite le hard power quand il théorise sur le soft power. En effet, il considère qu’une nation diplomatiquement puissante est un pays qui sait combiner habilement hard power et soft power, c’est ce qu’il appelle le “smart power”.
L’idée qu’un type de pouvoir complète l’autre, je l’ai définie dans le concept de « smart power », un « pouvoir intelligent » où sont combinés à juste degré pouvoir dur et pouvoir doux.
Un état puissant ne peut être que tout soft, ou tout hard. Si un État bénéficie d’un très bon soft power mais qu’il est militairement vulnérable, il ne peut être considéré comme puissant. Il en est de même pour un État redoutable militairement mais fragile du point de vue du soft power.
#5. Le soft power au XXIe siècle
Selon Joseph Nye, le paysage du pouvoir contemporain se caractérise d’abord par le déclin des “super” hégémonies séculaires (comme ce fut le cas pour le Royaume-Uni au 19e puis les Etats-Unis au 20e siècle). La puissance mondiale à venir correspond davantage à un pouvoir partagé par quelques grandes puissances plutôt qu’une rente dont jouit un seul pays. La tendance est à la coopération internationale plutôt qu’au parcours du cavalier seul.
Par ailleurs, Joseph Nye attire l’attention sur le fait qu’une grande puissance doit être capable de gérer et utiliser à bon escient les ressources dont elle dispose. Il ne s’agit pas seulement de bénéficier d’une quantité de ressources, mais d’être capable de les convertir en vecteurs d’influence. Il importe donc de définir et suivre une stratégie de puissance.
Enfin, l’arrivée d’internet et des nouvelles technologies ne provoque pas de changement fondamental, mais seulement une nouveauté de moyens : le soft power est utilisé et façonné de manière différente. Les réseaux sociaux accélèrent les flux d’informations et peuvent impliquer dans le soft power n’importe quel citoyen. Dès à présent, le soft power d’un pays dépend aussi de sa capacité à produire et partager des informations.
#6. Quelques outils pour mesurer le soft power
Comme mentionné précédemment, Joseph Nye considère qu’il y a trois grandes ressources permettant de définir et mesurer le soft power : la culture (au sens large du terme, qui englobe à la fois les objets culturels mais aussi les lieux culturels et le patrimoine immatériel), ses valeurs politiques (qui font partie de l’ADN d’un pays sur son territoire mais aussi à l’étranger) et les mesures de politiques étrangères.
Le soft power d’un pays peut ainsi se mesurer à l’aide de nombreux indicateurs tels que :
- sa réputation et son attractivité (nombre de migrants diplômés et fuite des cerveaux, attraction des étudiants)
- ses performances économiques (PIB, PNB, taux de chômage)
- son mode de vie (moeurs, pratiques sociales)
- sa communication, sa langue (instituts et lycées internationaux
- sa culture et ses produits culturels (littérature, cinéma, télévision, séries, Internet et média)
- ses idées, valeurs et leur rayonnement (médias, lobbying, think tank, prix Nobel)
- la diffusion de sa technologie
- sa place dans les organisations internationales et regroupements de nations (G7, G20, ONU)
- le rôle de la philanthropie et de ses ONG
#7. The Soft power 30 : un classement international des soft power
Depuis 2015, The Soft Power 30 est un classement mondial publié par le centre de diplomatie publique de l’université de Californie du Sud et le cabinet de conseil américain Portland. Ce classement s’organise autour de six thèmes : culture, numérique, entreprise, engagement, éducation et gouvernement. Chacun de ces thèmes est évalué à l’aide de données variées, issues de sources nombreuses (institutions internationales, rapports gouvernementaux, fondations, ONG, etc.).
En 2019, la France se situe en tête du classement, portée par de nombreuses associations et fondations (qui boostent le critère “engagement”) ainsi qu’un réseau international et diplomatique robuste (permettant un score très important pour le critère “gouvernement”).
#8. Le soft power des États-Unis
Les déterminants du soft power étasunien sont multiples. Le pays peut avant tout compter sur sa culture et son mode de vie. La culture, au sens large du terme, est d’ailleurs centrale dans l’approche de Joseph Nye. L’aspect culturel du soft power étasunien repose en majorité sur des éléments de « pop culture » (de McDo à Nike en passant par le sport, le rock&roll, les nombreuses séries et Hollywood). Cela contribue à l’expansion du mode de vie américain, le fameux American way of life. On peut également ajouter les valeurs défendues par le pays, telles que la liberté ou encore la propriété privée.
D’un point de vue économique, la puissance des géants de l’industrie et de la distribution (Walmart, Coca-Cola, Procter & Gamble) et des GAFAM participent fortement au rayonnement des États-Unis. La Silicon Valley, qui regroupe le siège d’entreprises à la pointe de l’innovation, permet au pays de briller. Le pays peut aussi compter sur une grande attractivité étudiante (en raison de ses universités mondialement reconnues) ainsi que sur le marché du travail (fuite des cerveaux). Par ailleurs, les États-Unis jouent un rôle majeur dans les organisations mondiales (ONU,FMI, OMC) et font partie de nombreux accords internationaux. On compte aussi de nombreuses fondations philanthropiques (Gates, W.Buffett).
Cette puissance est toutefois fragilisée par certains événements qui lui collent à la peau (intervention en Irak, présidence de Bush, politique de D.Trump) et par la rivalité croissante de la Chine sur la scène internationale.
#9. Le soft power de la Chine
En matière de soft power, les héritages de la Chine ancienne constituent une base solide. Il s’agit en particulier des courants philosophiques qui façonnent encore la pensée chinoise (confucianisme, taoïsme et le bouddhisme). On peut aussi évoquer les arts anciens (peinture, calligraphie, musique, littérature) sans oublier les arts martiaux ou encore la médecine traditionnelle. Le patrimoine architectural (56 sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2021) ainsi que certaines fêtes (le fameux Nouvel An chinois) témoignent eux aussi de la richesse de la culture chinoise.
Depuis 2004, la Chine peut aussi compter sur son très dense réseau de centres Confucius un peu partout dans le monde (on en dénombre 524, dont 17 en France). Ils proposent des cours de langues, mais aussi des conférences et événements culturels qui visent à donner l’image d’un pays stable et civilisateur.
La Chine multiplie par ailleurs les initiatives de coopération, à travers les processus d’intégration régionale (ASEAN+3, Organisation de Coopération de Shanghai) ainsi que de nombreuses opérations de maintien de la paix (notamment en Afrique).
Le soft power Chinois est affaibli par certains aspects de sa politique nationale regardant la démocratisation, la liberté d’expression ou le respect des droits de l’Homme.
#10. Le soft power de la France
Pour la France, le soft power est exercé par de nombreux vecteurs. On peut d’abord nommer son influent réseau diplomatique qui s’étend sur l’ensemble des continents (160 ambassades, 128 instituts français 800 alliances françaises, 530 établissements scolaires français à l’étranger). La France accueille également de nombreux étudiants étrangers chaque année (environ 250 000).
Paris occupe par ailleurs un statut particulier : ville internationale et touristique, elle est aussi le siège de plusieurs institutions internationales telles l’OCDE, l’UNESCO ou l’OIF.
L’économie française contribue également au rayonnement du pays et au savoir-faire français : gastronomie et tourisme (pays le plus visité au monde, 90 millions de touristes en 2019, 45 sites inscrits au patrimoine de l’UNESCO), vin et champagne ou encore secteur du luxe et de la mode (LVMH, Yves Saint Laurent). Plus récemment, le mouvement des startups French Tech favorise l’influence économique et technologique française.
Les arts et la création culturelle sont aussi des enjeux clés pour l’image de la France. Le cinéma français (soutenu par CNC) occupe la troisième place des industries cinématographiques du monde; en littérature, le français est la deuxième langue la plus traduite dans le monde, après l’anglais. La musique française s’exporte à l’international avec succès (on peut citer des artistes comme Jain, Zaz, Polo&Parn ou encore Aya Nakamura).
La France doit tout de même rester vigilante face à la concurrence qui se renforce en matière de soft power culturel (Royaume-Uni, Allemagne, Japon, Italie, Corée du Sud, Chine). Les attentats islamistes ou encore les mouvements de Gilets Jaunes ont aussi pu fragiliser la capacité d’attraction française.
#11. Le soft power de la Russie
Le potentiel de la Russie en terme de soft power est lié à son double statut : d’un côté c’est une grande puissance du “vieux monde” héritière d’un passé soviétique; d’un autre côté, la Russie fait aussi partie des BRICS et apparaît alors comme une puissance régionale émergente. Le soft power russe est pensé comme un contre-soft power, un modèle alternatif à la pensée dominante occidentale, orchestré par le président Vladimir Poutine et qui agit par micro-ciblage (en ne s’adressant pas au monde entier mais à certains groupes potentiellement réceptifs aux messages russes).
La Russie peut compter sur son histoire et sa culture. La fondation Rousskiï Mir (« Monde russe ») œuvre pour la sauvegarde de la langue russe, l’agence fédérale Rossotroudnitchestvo dispose de 92 centres pour promouvoir la science et la culture russes. L’Eglise orthodoxe joue aussi un rôle majeur en fédérant les communautés religieuses à l’international. Certaines valeurs russes, largement défendues par le Kremlin séduisent de nombreux individus à travers le monde. Mentionnons la conception centrale de la famille, le souverainisme ou encore l’opposition à l’américanisation du monde.
D’un point de vue économique, certains mastodontes énergétiques nationaux (Rosatom,Gazprom, Rosneft) jouent un rôle clé dans les négociations à l’étranger.
La Russie se construit aussi un arsenal médiatique de grande envergure. Le groupe médiatique Russia Today (six chaînes de télévision, six journaux en ligne et médias sociaux) et l’agence de presse Sputnik sont parrainés par l’État russe. Ces acteurs remettent en cause le modèle des médias traditionnels et plus largement le modèle occidental tout en affirmant la position à part de la Russie; ce qui constitue autant une force pour les publics visés par le soft power russe qu’une faiblesse d’un point de vue occidental.
#12. Le soft power du Japon
En Asie, le Japon apparaît comme le leader du soft power. Après avoir surmonté les difficultés de la seconde guerre mondiale, le Japon a mis en place depuis les années 1970 une politique diplomatique d’envergure, visant à redorer son image à l’international et à apaiser les tensions sur le continent asiatique. Dès 1972 a été créée la Fondation du Japon, visant à promouvoir l’enseignement du japonais et des échanges culturels (25 bureaux dans 24 pays).
Le Japon peut s’appuyer sur deux volets dans sa manœuvre diplomatico-culturelle. Le premier volet est historique et traditionnel, il inclut notamment le théâtre traditionnel (Nô), l’Ikebana (arrangement des fleurs), la peinture (Ukiyo-e, estampes gravée sur bois), la musique traditionnelle, la cérémonie du thé, les arts martiaux (judo, karaté,aïkido). Le second volet comporte de nombreuses richesses modernes : manga et cosplay, animé, jeux vidéos, mais aussi littérature et cinéma. Ces ressources constituent d’ailleurs un levier économique important. Le Cool Japan est une politique économique de valorisation des ressources créatives lancée par le Ministère de l’économie en 2012, cherchant à créer de la valeur ajoutée à partir de la culture japonaise. Le pays bénéficie également de la notoriété de ses entreprises high-tech et leurs produits haut de gamme.
Le pays est une démocratie et défend les valeurs universelles, partagées et reconnues par les occidentaux. Le Japon est aussi activement investi depuis les années 1950 dans l’aide aux pays en développement, la protection de l’environnement ou encore le secours humanitaire.
Le modèle nippon est tout de même confronté à certaines limites, venant ébranler son image à l’international (discrimination de genre, fortes inégalités économiques, surpeuplement, pression sociale et hikikomori).
#13. Le soft power du Royaume-Uni
Le Royaume-Uni, s’est progressivement constitué un soft power exercé dans de multiples domaines.
Cette influence internationale repose avant tout sur l’héritage historique de l’empire colonial et la puissance du Commonwealth. Cette organisation intergouvernementale (fondée en 1932, regroupant 52 pays, en très grande majorité d’anciennes colonies britanniques) joue un rôle démographique et économique considérable : environ 2,5 milliards de personnes sont citoyens d’un pays membre du Commonwealth. Les 52 pays représentent 17% du PIB mondial. Ces pays sont unis par la culture britannique et les valeurs qu’elle défend : démocratie, liberté d’expression, respect des droits de l’homme. La Reine d’Angleterre, et plus largement la famille royale, à la tête du Commonwealth, incarnent le soft power du pays.
Le Royaume-Uni bénéficie par ailleurs de l’extrême diffusion de la langue anglaise : 1er choix de langue scolaire, 1,5 milliard de locuteurs dans le monde, langue officielle dans 63 pays. Les systèmes médiatique (BBC, Reuters) et éducatif (British Council, universités) sont aussi de robustes instruments de diffusion de la culture britannique dans le monde.
Le Royaume-Uni a une longue histoire artistique. La musique, classique ou moderne (citons le Rock&Roll dans les années 1960 et la British Invasion), la littérature (avec des auteurs comme Doyle, Dickens, Orwell, Christie, Kipling, J.K Rowling, etc.) et le cinéma (Monty Python, Mr Bean, Downtown Abbey ou The Crown) diffusent l’art de vivre à l’anglaise et contribuent ainsi à son rayonnement.
Outre-Manche, la coopération et l’aide pour le développement international font également partie du rayonnement du pays. Celui-ci est investi dans de nombreux programmes visant à réduire la pauvreté et les inégalités; on compte aussi plusieurs ONG britanniques (Oxfam, Amnesty).
Le Brexit constitue en revanche un risque élevé pour le rayonnement du Royaume-Uni à l’étranger.
#14. Le soft power de l’Allemagne
Outre-Rhin, la puissance douce de nos voisins allemands se matérialise d’abord sur son système éducatif performant, façonnant une main d’œuvre hautement qualifiée (principe de Bildung : l’acquisition du savoir et le développement de soi; formations en apprentissage largement plébiscitées par les étudiants allemands).
Par ailleurs, le pays bénéficie aussi d’une bonne santé économique (son marché du travail est prospère, avec seulement 5% de chômeurs en septembre 2021) de long terme ainsi qu’une forte propension à l’innovation et aux nombreux partenariats entre recherche et industries. L’Allemagne se trouve d’ailleurs en tête de la liste des pays les plus innovants. De nombreux groupes internationaux, aux produits et services haut de gamme, participent aussi au rayonnement du pays (citons par exemple Volkswagen, Bosch, Siemens, BMW, Allianz, etc).
La bonne notoriété de l’Allemagne s’explique aussi par son pouvoir politique et son statut de leader proactif européen. Le pays sait fédérer, coopérer et affiche également une stabilité politique interne. À ce propos, la chancelière Angela Merkel, même si elle est parfois contestée en Allemagne, est synonyme de soft power aux yeux du monde. Pendant 16 ans au pouvoir, elle a incarné le triptyque allemand : stabilité, fermeté et coopération.
L’Allemagne compte parmi les acteurs majeurs de la coopération internationale pour le développement . Sa contribution à l’aide publique au développement s’élève à presque 11 milliards d’euros (en 2020), répartis entre 80 pays. Le pays affiche également des valeurs démocratiques et écologiques (accueil des réfugiés, ONG et think tanks, politique environnementale).
Le départ d’Angela Merkel risque toutefois de provoquer des tensions internes et peut à terme fragiliser la renommée allemande à l’international.
#15. Le soft power de l’Espagne
Le rayonnement international de l’Espagne s’explique avant tout par son histoire. L’Espagne, de par sa politique expansionniste et coloniale (du XVe siècle jusqu’à la décolonisation), jouit d’un leadership culturel et diplomatique conséquent. L’une des conséquences directes de l’ex empire colonial espagnol est l’importance de la langue espagnole dans le monde : c’est la deuxième langue native la plus parlée au monde (480 millions), juste après le mandarin. L’Espagne développe depuis 1991 un dense réseau d’instituts culturels nationaux, les instituts Cervantès, qui assurent la promotion de la langue et de la culture espagnole à 18 millions d’élèves, dans plus de 70 centres, sur tous les continents.
Par ailleurs, la chute de Franco et l’ouverture libérale du pays sous l’impulsion de l’Union Européenne ont redonné à l’Espagne une position nouvelle sur la scène internationale. L’Etat a mis en place en 2012 une réelle politique de développement touristique et culturel visant à transformer la richesse culturelle du pays en valeur ajoutée économique et à faire la promotion de l’Espagne à l’échelle internationale. Chaque année, l’Espagne attire de nombreux touristes (deuxième destination touristique mondiale après la France), attirés par les 45 sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais aussi par le patrimoine architectural arabe et andalou. L’art (peinture, cinéma, musique, danse) et le sport (football, tennis, formule 1) sont des vrais atouts pour l’image du pays.
Le leadership de l’Espagne est toutefois concurrencé par l’émergence culturo-économique des Mexicains et plus largement des Hispano-Américains : l’influence de l’Espagne s’effrite progressivement sur un territoire qu’elle maîtrisait jusqu’à présent. Trois autres sujets peuvent aussi fragiliser le rayonnement du pays : les scandales à répétition dans la famille royale, le débat sur la pratique de la corrida et les mouvements indépendantistes (catalan, basque).
Bravo à toi, tu es venu(e) à bout de ce guide sur le soft power ! Te voilà désormais au taquet sur cette notion que, nous espérons, tu pourras utiliser à ta guise dans de nombreuses épreuves.