Histoire de l’instauration de la monnaie commune
Dès le début des années 1970 est publié le rapport Werner qui jette les bases d’un projet d’Union Économique et Monétaire (UEM) en Europe. Cependant, cette première ébauche est d’abord tombée dans l’oubli, suite aux turbulences monétaires ayant mis fin au système de Bretton Woods et aux réticences de l’Allemagne (RFA) liées aux politiques monétaires laxistes des pays du Sud.
Il faudra alors attendre 1986 et la publication de l’Acte unique de la Commission Delors pour repenser cet UEM, avec pour objectif de poursuivre l’engagement de la Communauté européenne dans la globalisation financière. Après le traité de Maastricht en 1992, les pays restent maîtres de leur politique monétaire, tout en s’engageant à se coordonner sur les critères de gestion. Lors de la création de la Banque Centrale Européenne, les banques des onze pays coopèrent avec la nouvelle institution, afin d’instaurer une monnaie commune. Notamment pour convaincre l’Allemagne d’accepter cette initiative, les critères de Maastricht sont fixés pour pouvoir entrer dans la zone euro : une inflation maîtrisée, un déficit public inférieur à 3% du PIB, et une dette publique limitée à hauteur de 60% du PIB. L’euro se construit donc sur la promesse d’une monnaie forte, renforcée par l’indépendance de la BCE et de sa politique vis-à-vis des pays membres.
Pourtant dès la réunification en 1990, l’Allemagne rompt avec sa « culture de stabilité » face au coût de la réunification tandis qu’elle avait obtenu des engagements des autres pays tels qu’une gestion raisonnée des finances et l’interdiction du renflouement entre États.
La zone euro est aussi fragilisée dès la crise de 2008. À l’automne 2009, ce sont les marchés financiers qui anticipent une implosion de la zone : après la rendue publique de l’ampleur réelle du déficit grec, ils parient sur la sortie des pays les plus faibles économiquement. Finalement, en 2010 une aide de 110 milliards d’euros est débloquée par les Européens et le FMI pour la Grèce. Au printemps 2011, la Troïka (FMI, BCE et Commission) s’associe pour imposer des règles de bonne conduite préalable à un retour de la confiance des marchés financiers.
Les défis contemporains liés à l’euro
Ces nombreuses crises marquent des difficultés de la monnaie européenne à s’affirmer face au dollar et à se stabiliser. On constate notamment une faiblesse structurelle de l’euro, surtout face au dollar. Depuis son instauration en janvier 1999, l’euro a perdu 6% face au dollar depuis 25 ans, et en 2022 il avait même chuté en dessous de la parité avec la guerre en Ukraine et la crise énergétique. Même si elle demeure monnaie principale après le dollar (selon les Échos, les deux monnaies représentent 60% du marché).
Selon Martin Sandbu, dans le Financial Times, les critiques sur l’euro affluent depuis sa création : une résilience face aux « chocs asymétriques » amoindrie ou un risque de désintégration. Pourtant, celui-ci perdure sans sortie de la zone euro, et avec au contraire de nouvelles entrées. Certains pays à l’instar du Kosovo et du Monténégro l’ont même adopté unilatéralement comme monnaie d’échange, sans être membre de l’UE. En outre, l’auteur souligne que beaucoup pensaient aussi que ce système d’UEM serait incomplet tant qu’un organe de redistribution efficace entre pays membres soit instauré. Enfin il précise que l’harmonisation des trajectoires budgétaires demeure difficile, avec une politique monétaire unifiée mais des stratégies budgétaires nationales.
Cependant, c’est bien la puissance d’une monnaie unique dans la zone euro qui a permis dès 2021 de mobiliser des moyens colossaux pour les pouvoirs publics nationaux, ayant permis de mettre en place certaines politiques comme le chômage partiel. En effet, la crédibilité de la BCE et la force de l’euro ont été des critères déterminants pour que les créanciers accordent des fonds.
Aujourd’hui, c’est aussi grâce à cela que la monnaie unique fait moins débat auprès des citoyens européens. Par exemple en France en 2017, l’euro était sujet de litige entre les candidats Emmanuel Macron et Marine le Pen lors de la campagne présidentielle. Cependant en 2022, c’était beaucoup moins le cas.
L’Euro digital fait face au mécontentement des banques
L’un des nouveaux projets de la BCE est également la mise en place d’un « euro numérique ». Cela fait suite notamment au développement par des entreprises privées de moyens de paiements à l’aide du smartphone, à l’instar d’Apple Pay par exemple. Aussi, certains pays étrangers comme la Chine ou les États-Unis ont déjà déployées ou sont en train d’instaurer ce nouveau moyen de paiement. Aussi, de manière plus globale, cela fait suite à une évolution des comportements socio-économiques des consommateurs avec notamment l’essor de l’achat en ligne.
Aujourd’hui, le projet en est encore au stade de développement, notamment du fait des technologies de pointes pour développer les infrastructures et les softwares nécessaire à la sécurité d’un tel système.
Conclusion
La mise en place de l’euro a donc été une étape cruciale de la construction européenne, et apparait maintenant comme un succès sous plusieurs aspects. Cependant, les politiques de la BCE et les nombreuses crises traversées par les pays du Sud notamment ont été sujettes à certaines critiques, comme celles de Joseph Stiglitz en 2014, dans Comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe ?
Cet article a été rédigé par Marine Bach, en collaboration avec Call’ONU, l’association de géopolitique de l’ESCP.