En raison d’une sécheresse due à El Niño, le canal de Panama connaît de fortes perturbations dans son trafic depuis 2023. Ceci a contraint l’autorité du canal de Panama à limiter à 18 le nombre de navires pouvant traverser les écluses par jour. Par conséquent, le prix d’un passage s’est envolé, forçant donc les armateurs, le Panama, mais également les pays aux alentours à changer de stratégie.
Qu’est-ce que le canal de Panama ?
Le canal de Panama est un canal maritime reliant l’océan Atlantique et l’océan Pacifique, en passant par la mer des Caraïbes. Il consiste en deux lacs artificiels et de nombreux canaux créés par l’homme. Le tout est relié par trois ensembles d’écluses, qui sont une prouesse technologique (renseigne-toi sur ça, c’est vraiment passionnant). Un lac artificiel supplémentaire, le lac Alajuela, agit comme réservoir pour le canal en cas de sécheresse.
Le canal a été construit entre 1882 et 1914 par les Français, sous la direction de Ferdinand de Lesseps (celui-là même qui s’était occupé de Suez). Et, après quelques déboires financiers, par les États-Unis. Il fait 80 km et parcourt l’isthme de Panama, et il a permis de réduire considérablement le temps et le coût de passage entre les océans Pacifique et Atlantique.
Chaque année, environ 14 000 navires empruntent le canal de Panama, transportant plus de 203 millions de tonnes de cargaison et représentant près de 6 % du commerce maritime mondial. À noter que pour chaque passage de navire, environ 200 millions de litres d’eau douce sont nécessaires.
Histoire du canal
Après l’abandon par la France du projet, les États-Unis le reprennent et soutiennent la révolte qui conduit à l’indépendance de Panama vis-à-vis de la Colombie. En 1903, le nouvel État de Panama signe immédiatement le traité Hay-Bunau-Varilla avec les États-Unis, cédant aux Américains la zone du canal en échange d’une compensation financière. Il le restera jusqu’en 1999, où il sera cédé à l’ACP (Autorité du canal de Panama).
De plus, en raison de l’augmentation continue du volume du commerce maritime mondial et de l’apparition de navires encore plus grands, l’ACP a lancé des travaux d’extension en 2007, pour ajouter de nouvelles écluses, plus larges et plus longues, sur les deux côtes (Pacifique et Atlantique). Les nouvelles écluses mesurent environ 427 mètres de long, 55 mètres de large et 18,3 mètres de profondeur, permettant le passage des navires post-Panamax et néo-Panamax.
Importance pour le Panama
C’est pour ces raisons que le canal est d’une importance toute particulière pour le Panama (en étant presque devenu une rente). En 2021, les revenus du canal représentent environ deux à trois milliards de dollars US par an. Le canal a permis au Panama de devenir le hub reliant l’Amérique du Nord, du Sud, ainsi que les deux plus grands océans de la planète.
Ainsi, pour accentuer cette position, les autorités ont orienté l’économie du pays vers les services : banque, tourisme et commerce, principalement. Par exemple, le pays est un paradis fiscal, cultive le secret bancaire et possède 12 zones économiques spéciales (Colon Free Trade Zone, par exemple).
Le Panama est donc dépendant de son canal pour son développement économique. Dès lors, lorsque le changement climatique fait diminuer de moitié le nombre de bateaux traversant le canal, il est logique que ce soit tout un système politique qui se mette à avoir peur.
L’adaptation du Panama au changement climatique
Le changement climatique a de nombreuses conséquences directes sur l’économie du Panama. Plus de sécheresses signifie moins d’eau disponible pour le canal, donc moins de passages, donc moins de revenus (au plus fort de la crise cet été, les passages étaient réduits de moitié). De plus, le changement climatique fait qu’il y a moins d’eau potable disponible pour les habitants, à cause de la diminution de la hauteur du lac Gatún, mais aussi de la montée du niveau des océans, qui entrent donc dans les terres et nuisent aux populations locales.
Dès lors, les autorités ont pris des mesures pour contenir les effets du changement climatique, comme la construction de nouveaux réservoirs, la réutilisation d’eau (ce qui permet de sauver l’équivalent de six passages par jour) et même des projets d’ensemencement des nuages. Le chemin de fer reliant les continents a également été sollicité par les armateurs durant la crise (par exemple : Maersk), et connaît depuis quelques années un nouveau succès.
Cependant, le mal a été fait et il y a une prise de conscience du secteur sur la vulnérabilité du canal (volatilité des prix, blocages potentiels…), ce qui explique pourquoi certains bateaux de marchandises préfèrent emprunter d’autres voies plus longues mais plus sûres, rassurant les investisseurs, ce que certains mettent à profit.
De nouveaux acteurs interviennent
Tout d’abord, et on y pense peu, avec la fonte des glaces due au changement climatique, cette route maritime, qui relie l’Atlantique au Pacifique via l’Arctique, devient progressivement plus accessible. Ce qui offre une route plus courte entre l’Europe et l’Asie sans avoir besoin de payer des frais de péages, qui vont vraisemblablement augmenter au cours du temps.
De plus, de nombreux projets ferroviaires en Amérique du Sud sont en étude pour être des alternatives au canal, comme le Corredor Seco au Honduras, qui est un projet de train pour connecter le port atlantique de Puerto Cortés au port pacifique d’Amapala. Au Mexique, le président Andrés Manuel Lopez Obrador a inauguré fin 2023 le train de l’isthme de Tehuantepec. Il s’agit du premier élément du couloir interocéanique, l’un des grands projets d’infrastructure voulus par l’actuel gouvernement.