Équateur

Je t’emmène aujourd’hui dans un décryptage de la crise équatorienne, entre insécurité et incertitude politique, qui est révélatrice de nombreux maux endémiques en Amérique latine. Alors que les élections présidentielles anticipées se joueront en octobre entre la correísta Luisa González et l’entrepreneur Daniel Noboa, le plus important semble avoir été le climat dans lequel s’est déroulée cette campagne. À l’image de l’assassinat du candidat Villavicencio le 9 août, l’Équateur est en proie à une violence grandissante et inquiétante, principalement liée au narcotrafic, qui s’ajoute à une polarisation politique déjà présente.

Dans cet article, je te propose d’examiner les causes puis les conséquences de l’essor de cette violence, et enfin les enjeux que représentent les résultats des élections équatoriennes.

 

Comment s’explique la hausse effrénée de la violence en Équateur ?

La première interrogation est comment l’Équateur a pu devenir un foyer de violence incontrôlée, alors qu’il faisait partie des pays les plus stables d’Amérique latine jusqu’alors ? En effet, en janvier, selon l’entreprise Gallup, 2/3 des Équatoriens estimaient que leur pays n’était pas sûr. Selon El Pais, au rythme actuel, le pays pourrait atteindre un taux de criminalité de 40 homicides pour 100 000 habitants, faisant de lui un des pays les plus violents du monde.

Cette violence, qui a particulièrement augmenté depuis la pandémie, se doit en partie à la position géographique du pays. L’Équateur se situe entre la Colombie et le Pérou, les plus gros producteurs de cocaïne du monde. Ce qui faisait déjà de lui un lieu idéal de transition de la drogue pour les cartels. Mais il est devenu depuis quelques années un centre de culture et de distribution de cocaïne pour les narcotrafiquants tels que Los Choneros, qui profitent également de l’économie dollarisée du pays pour blanchir l’argent.

La lutte importante engagée contre les gangs dans d’autres pays tels que la Colombie a conduit également des groupes criminels à se délocaliser en Équateur. La violence entre gangs s’est peu à peu propagée à la population civile et se concentre désormais principalement dans les grandes villes telles que Guayaquil (la plus peuplée). Une situation malheureusement similaire à de nombreux pays d’Amérique latine, comme le montre l’article suivant.

 

Quelles sont les conséquences de cette hausse sur le panorama social et politique en Équateur ?

Une polarisation politique déjà présente

L’Équateur vit déjà dans un contexte de division politique liée à la gestion du Président conservateur Guillermo Lasso. Celui-ci, sans soutien au Congrès depuis 18 mois, a fortement été critiqué pour sa lutte inefficace contre la criminalité et a été visé par une motion de censure pour des possibles détournements de fonds. Il a alors décrété la muerte cruzada, un mécanisme constitutionnel qui lui a permis d’éviter cette motion en dissolvant l’Assemblée nationale et en convoquant des élections anticipées pour renouveler cette dernière et pour compléter la dernière année de son mandat.

Cette solution, en quelques points semblable à celle utilisée sans succès par Pedro Castillo au Pérou, révèle une division marquée au sein du pouvoir. Si Lasso est resté Président jusqu’aux élections, il a annoncé qu’il ne se représenterait pas en tant que Président pour celles-ci.

 

La violence au centre de la préoccupation politique

Ces derniers mois, les mesures politiques se sont tournées en particulier vers la lutte contre la violence. Une mesure phare mise en place par Guillermo Lasso le 5 avril 2023 a été l’autorisation du port d’arme pour la défense personnelle à l’ensemble de la population ayant plus de 25 ans et disposant d’un certificat d’évaluation psychologique. Cette mesure soulève des inquiétudes concernant son efficacité pour réduire la criminalité.

Lasso opte en effet pour une solution différente de celle de Petro visant la paz total en Colombie, ou plus récemment Andrés Manuel López Obrador au Mexique qui concentre ses efforts désormais sur la lutte contre la pauvreté, plutôt qu’une lutte directe contre le crime organisé.

La campagne présidentielle équatorienne a elle aussi été tournée autour de la violence. D’une part, les candidats dédient une place importante de leur programme à la lutte contre la violence. Un candidat a particulièrement retenu l’attention : Jan Topić. Ce dernier est un homme d’affaires millionnaire plaidant pour une guerre totale contre les gangs à travers le contrôle des frontières, des prisons et un renforcement du pouvoir exécutif. On peut y voir l’influence que prend Nayib Bukele, le Président du Salvador, considéré comme un modèle pour sa lutte contre les gangs, l’homme d’affaires se qualifiant de « Nayib Bukele d’Équateur ».

D’autre part, la violence a pris une autre dimension après l’assassinat du candidat Fernando Villavicencio situé deuxième dans les intentions de vote, qui était fortement engagé dans la lutte contre la corruption, commencée lorsqu’il était journaliste. Le bon déroulement des élections a donc été totalement bouleversé.

 

Les conséquences sociales de l’augmentation de la violence en Équateur

La population est évidemment la principale victime de cette violence et cette insécurité en est sa préoccupation première. Selon le journal Primicias Ecuador, la vente d’équipements de protection a augmenté de 80 % en quelques années. Mais ce besoin de sécurité ne s’arrête pas à des achats passifs. On a vu se multiplier des épisodes où des citoyens forment des milices pour lutter contre les gangs. À l’image d’un quartier de Quito dans lequel des individus ont brûlé la maison d’un groupe de criminels et se sont battus contre eux à l’aide de pierres.

Ceci révèle, par ailleurs, le manque général de confiance que la population attribue au Président ainsi qu’à l’Assemblée nationale (taux de popularité de 14 % pour Lasso et 6 % pour l’Assemblée nationale, selon l’institut de sondage Perfiles de opiníón).

 

Quels enjeux représentent les résultats des élections présidentielles ?

Le premier tour des élections présidentielles a eu lieu le 20 août et deux candidats passeront donc au second tour. La candidate nommée par l’ancien président Rafael Correa, Luisa González (33 % des votes), et l’entrepreneur Daniel Noboa (24 %). Christian Zurita, le remplaçant de Villavicencio est arrivé troisième. Retour sur le profil des deux candidats qui s’affronteront au second tour.

 

Luisa González

Membre du parti La Revolución Ciudadana de l’ancien Président Rafael Correa, elle marque le retour en force de la gauche dans le pays. Elle est désignée comme l’héritière même de l’ex-Président, actuellement jugé pour des cas de corruption, dont elle tire ses nombreuses propositions, notamment l’aide importante au milieu rural et indigène.

Concernant la sécurité, elle compte renforcer le pouvoir des autorités publiques et lutter durement contre la délinquance. L’avocate de profession, qui pourrait être la première femme Présidente de l’histoire du pays, s’oppose cependant à la dépénalisation de l’avortement en cas de viol, un sujet sur lequel elle est assez ferme.

 

Daniel Noboa

Il a créé la surprise en arrivant deuxième au premier tour. C’est le fils du milliardaire Álvaro Noboa qui s’était présenté cinq fois aux élections présidentielles. S’estimant de centre gauche bien que libéral, l’entrepreneur de 35 ans se définit également comme candidat de la jeunesse et base sa campagne sur quatre piliers : social, économique, institutionnel et environnemental. Il propose une réforme de la police pour lutter contre la violence et une réforme fiscale pour lutter contre la pauvreté. Il est critiqué pour les liens qu’il essaye de créer avec la Russie.

Le fait que les deux candidats centrent une grande partie de leur programme sur la lutte contre la pauvreté souligne une chose importante. Cette dernière, augmentant au point que 32 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, est également une source majeure de l’essor de la violence, selon le sociologue équatorien Luis Cordova. La lutte contre les inégalités est en outre une des solutions pour réduire cette violence, comme le montre l’article suivant.

 

Vocabulaire

una lacra : un fléau

una pandilla : un gang

un hervidero de : un foyer de

tasa de homicidios : taux de criminalité

el cultivo de droga : la culture de drogue

malversacíón de fondos : détournement de fonds

decantarse por : se tourner vers/opter pour

desconfiar de : se méfier de/perdre confiance en

un blanco : une cible

un asesinato : un assassinat

un sinfín : une infinité, multitude (ex. : un sinfín de problemas)

pagar el pato : faire les frais

hacer estragos : faire des ravages

llover sobre mojado : aller de mal en pis

 

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