Selon les données de l’Agence des Nations unies pour le Climat (UNFCCC), les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté de plus de 60 % entre 2000 et 2021. Les années 2000 sont aussi celles de l’hypermondialisation, caractérisée par une augmentation sans précédent des échanges internationaux. Il convient donc d’étudier l’impact que le commerce international peut avoir sur le climat, mais aussi les conséquences du changement climatique sur les modalités des échanges internationaux.
Le commerce a un impact certain sur le changement climatique
Un impact direct
Les effets du commerce sur le climat peuvent prendre plusieurs formes et ne cessent de gagner en intensité. Tout d’abord, l’effet le plus direct et connu est celui des émissions de gaz à effet de serre qui résultent du transport de marchandises. Selon ITF, en 2015, le transport de marchandises au niveau international représentait 7% des émissions mondiales de CO2. Toutefois, ce sont les émissions qui résultent des “derniers kilomètres” qui pèsent le plus sur le bilan carbone des produits, par exemple le déplacement du consommateur vers le lieu d’achat du produit. En effet, un véhicule utilitaire léger émet entre 1,1 et 1,9 kilogrammes de CO2 par kilomètre parcouru pour le transport d’un tonne alors que pour le transport maritime, qui est le moyen le plus utilisé pour le transport de marchandises sur des longues distances, ce chiffre s’élève à 10,2 grammes de CO2 par kilomètre parcouru (Ministère de la Transition Écologique, 2018). Cela s’explique par l’effet taille : un porte-conteneur peut transporter des quantités immenses de marchandises. De plus, le commerce comprend aussi la construction d’infrastructures de transport et de communication, qui représentent également une part importante des émissions.
Mais le commerce ne se limite pas seulement au transport de marchandises. Le mode de production est aussi à prendre en compte. Et là, en prenant encore les chiffres de 2015, la quantité d’émissions de CO2 liés à la commercialisation des biens et services échangés s’élève à 8 milliards de tonnes, soit 25 % des émissions totales. Cela peut résulter des processus de production qui sont dans de nombreux cas néfastes pour l’environnement (par exemple, la cultivation locale de légumes et fruits sous serre est souvent plus émettrice que l’importation de ces fruits et légumes cultivés dans des champs). Par ailleurs, les prévisions concernant l’évolution des émissions dues au commerce ne semblent pas positives et devraient augmenter dans les années à venir. En effet, il faut préciser que ces émissions sont très peu régulées : par exemple, elles ne sont pas prises en compte dans les engagements issus des accords de Paris.
Toutefois, ralentir le développement du commerce international serait-il une solution ? Selon les simulations de D. Bureau et L. Fontagné (Note du CAE, « Commerce et climat : pour une réconciliation », 2017), augmenter les droits de douane moyens à 17 % (au lieu de 5 % aujourd’hui) afin de réduire les échanges de marchandises et la production mondiale de 2 % ne permettraient qu’une réduction de 3,5 % des émissions à l’horizon 2030, ce qui semble négligeable compte tenu des effets que ce genre de politiques pourraient avoir.
Des impacts indirects plus ambigus
Le commerce international a un impact direct comme on a pu le voir précédemment, mais il a aussi des effets indirects. On peut distinguer plusieurs composantes : un effet d’échelle et un effet technique. L’effet d’échelle explique que la production et la consommation agrégées ont tendance à augmenter du fait du développement du commerce. En effet, les revenus plus élevés issus de l’accroissement des échanges augmentent la demande et donc la production de nouveaux biens et services. Toutefois, comme le souligne C. Bellora, dans un article du CEPII (“Mettre le commerce au service du changement climatique », L’économie mondiale, 2022), cela est contrebalancé par le fait qu’une augmentation de revenus signifie souvent une volonté plus forte en faveur de la protection de l’environnement (comme la courbe environnementale de Kuznets réalisée par Grossman et Krueger le montre). Ensuite, l’effet technique a rapport avec la diffusion des technologies. La commerce international facilite cette diffusion, signifiant que les technologies moins polluantes sont accessibles pour des pays qui ne les ont pas mis au point, permettant de réduire les émissions globales. On voit bien ici que le lien entre commerce et climat est plus complexe qu’il n’y paraît.
Il ne faut pas oublier que le changement climatique peut impacter le commerce de certains pays
Dans un sujet qui met en relation deux thèmes par une conjonction de coordination, il est important d’étudier les deux implications possibles. Ici, il est clair que la première implication est plus importante que la seconde (et il faut donc concentrer son analyse dessus). Toutefois, il ne faut pas négliger l’impact du changement climatique sur l’économie de certains pays et sur leur commerce.
Une réduction du commerce international et une augmentation des coûts sont à prévoir
Selon une étude de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le commerce mondial pourrait être réduit de 3 à 9 % d’ici 2050 en raison du réchauffement climatique (« Climate change and the World Trade System »). L’OMC explique l’impact du changement climatique en ceci qu’il peut entraîner des phénomènes météorologiques extrêmes tels que des sécheresses, des inondations, des tempêtes et des ouragans qui peuvent endommager les infrastructures, les usines et les récoltes, perturber les chaînes d’approvisionnement et réduire la capacité des entreprises à fournir des biens et des services. Le réchauffement climatique peut également rendre certains produits moins compétitifs, tels que les produits agricoles de régions touchées par la sécheresse (moins de production entraîne une hausse des coûts pour compenser les pertes et donc une baisse de la compétitivité au niveau international), ou rendre difficile la production de certains produits dans les régions qui connaissent un climat plus chaud.
Tout cela a pour conséquence d’augmenter les coûts du commerce : à cet égard, Le Fonds monétaire international (FMI) a publié un rapport en 2021 intitulé « Le climat change le commerce : comment les politiques peuvent faire la différence », dans lequel il montre que les coûts du commerce pourraient augmenter de 60 % en raison des perturbations liées au climat.
Enfin, il ne faut pas oublier les conséquences logistiques du changement climatique et la modification des routes commerciales : le réchauffement climatique peut altérer les conditions météorologiques dans certaines régions, ce qui peut rendre certaines routes commerciales plus difficiles d’accès (comme la fonte des glaciers).
Le changement climatique peut modifier la demande et transformer les biens et services échangés.
Le changement climatique peut avoir un impact sur la nature des biens échangés. Les consommateurs sont de plus en plus attachés à la cause environnementale et prêtent donc davantage attention aux produits qu’ils achètent. Par exemple, une étude de l’Université de Cambridge (2019) a montré que les consommateurs sont prêts à payer en moyenne 9% de plus pour des produits durables et respectueux de l’environnement. Ainsi, les échanges de certains biens peuvent se trouver impactés par les transformations progressives des habitudes de consommation.
De même, la consommation locale est de plus en plus mise en avant et privilégiée par les consommateurs. C’est-à-dire que le commerce se fait sur des distances plus courtes (bien que ce phénomène reste encore marginal, des initiatives locales pour développer le commerce locale se font jour). Il en est de même pour l’économie circulaire et la réutilisation des produits de plus en plus privilégiée par rapport à la consommation de nouveaux biens.
Conclusion
Ainsi, le climat et le commerce sont deux notions très liées. Le commerce a un impact considérable (et toujours croissant) sur le changement climatique, qui lui-même, transforme petit à petit les modalités des échanges internationaux. Toutefois, il ne faut pas oublier que le cadre légal des échanges et les mesures prises par les gouvernements ou des organisations comme l’OMC pour lutter contre le changement climatique peuvent aussi avoir une influence considérable sur l’évolution du commerce à l’avenir.