Dans le but d’apporter des exemples tirés d’ouvrages dans tes copies d’économie, notamment en prépa ENS D1 , D2 et en B/L, nous te proposons aujourd’hui une fiche de lecture traitant de la concurrence en économie.
Tu découvriras ici le rôle de la concurrence sur les marchés, les différents effets de la concurrence articulés autour de certains cas choisis parmi les nombreux exemples du livre, ainsi que des citations et chiffres clés à utiliser sans modération lors de tes épreuves. Bonne lecture !
Résumé de l’ouvrage
Qui est François Lévêque ?
François Lévêque est professeur d’économie industrielle et d’économie de l’énergie à Mines ParisTech. Ses recherches portent sur la concurrence et l’antitrust, l’énergie, les droits de propriété et la réglementation des réseaux.
Cet ouvrage, paru en 2017, traite des enjeux de la concurrence par le prisme de stratégies d’entreprises. La concurrence et les multiples paramètres économiques, en exerçant une influence, y sont évoqués, tout comme les stratégies exercées par les entreprises et les modèles théoriques sur lesquels ces mêmes stratégies sont basées.
L’introduction
En introduction, François Lévêque dresse un tableau paradoxal sur les frontières des marchés. Il constate qu’alors que celles-ci s’élargissent grâce à la baisse des coûts de transport et de communication (entraînant naturellement une augmentation du nombre de concurrents), les marchés semblent rétrécir du fait d’une différenciation croissante des biens et des services.
L’auteur prend l’exemple du vin. Les producteurs de vin français ne rivalisent plus seulement avec les Italiens et Espagnols, mais également avec les Australiens et les Chiliens. Seulement, à part le vin rouge et le vin blanc, les vins ne sont plus interchangeables. En effet, la multiplication des qualités, cépages ou terroirs différents a entraîné la création de très nombreux micromarchés. Cela a donc conduit à la segmentation de la demande, qui est de facto confrontée à des prix plus élevés.
Aussi, si la concurrence est souvent caricaturée comme une forte opposition entre deux grandes entreprises, elle demeure bien plus subtile. Il en existe ainsi de nombreux modèles : la concurrence pure et parfaite (CPP) mettant en scène de nombreux vendeurs et acheteurs n’ayant pas d’influence sur les prix, le monopole pur, permettant au seul offreur du marché de dicter son prix élevé aux consommateurs, ainsi que de nombreux cas intermédiaires de concurrence.
Toutefois, Lévêque écarte deux travers imprégnant les discours sur la concurrence. Le premier : celui selon lequel la concurrence est un phénomène universel irriguant toutes les sociétés et les compétitions. Le second : le parti pris idéologique et le jugement moral.
Les grands axes du livre
Quelle place pour la concurrence au sein du marché ?
Dans un premier temps, l’auteur explique que la concurrence est fortement liée au marché. Pour ce faire, il prend pour exemple le conteneur de fret qui a, selon lui, « changé le monde » en baissant le coût des transports et facilité les échanges.
François Lévêque envisage ainsi le conteneur comme une « commodité » : un produit courant et non différencié. Il explique ainsi la variation des prix du conteneur grâce à la théorie économique des commodités. Le prix d’équilibre (point d’intersection entre les courbes d’offre et de demande) atteint un sommet lorsque les besoins des clients sont élevés et les capacités de production saturées.
Dès lors, l’appareil de production tournant à plein régime, le coût pour produire des unités additionnelles est prohibitif. En effet, pousser la production à son maximum ne dure qu’un temps : la saturation des capacités entraînerait alors une insensibilité de l’offre au prix.
L’auteur prend également l’exemple des jeux d’argent afin d’illustrer le rôle de la concurrence sur les prix. Il explique que cet effet, mesuré en pourcentage de la mise, est flagrant en comparant la loterie et le casino en France. Alors que la FDJ (en situation de monopole) ne reverse que 65 % des mises aux joueurs, les casinos (en concurrence) en reversent plus de 85 %.
Quel impact de la concurrence sur la différenciation ?
« En tant que consommateurs occidentaux, nous vivons dans un monde de différenciation massive. Et cela change tout du point de vue de la concurrence. », F. Lévêque
Dans cette deuxième partie, l’auteur présente la particularité des biens s’adressant aux consommateurs : leur variété. Les consommateurs semblent vivre au sein d’un monde de différenciation massive. L’auteur prend pour exemple la concurrence duopolistique entre Coca-Cola et Pepsi, s’exerçant moins sur le prix que sur d’autres facteurs.
En effet, « rien ne ressemble plus à une canette de Coca-Cola qu’une canette de Pepsi » et la concurrence par les prix ne s’applique pas fortement, car ces produits sont imparfaitement substituables. Par conséquent, la concurrence entre ces marques s’exerce davantage par le biais de la publicité. Cette différenciation leur permet ainsi de créer et d’entretenir la fidélité à la marque.
De surcroît, elle s’exerce dans le contrôle des activités en aval, afin de mieux maîtriser les coûts et les prix. Ainsi, Coca-Cola et Pepsi ont progressivement mis la main sur les entreprises, autrefois indépendantes, qui étaient chargées de l’embouteillage.
En outre, la concurrence s’exerce dans la recherche d’une présence exclusive de leurs produits. Cette présence leur permet alors de capter plus de clients et de déclencher et maintenir leur fidélité. À titre d’exemple, il existe une rivalité entre les deux marques afin d’être exclusivement présentes auprès des détaillants n’ayant pas autant de place que les supermarchés tels que les stations-service.
L’auteur prend également l’exemple des céréales de petit-déjeuner pour caractériser la différenciation due à la forte concurrence de ce marché. Il explique ainsi la profusion des marques de céréales par le fait que les consommateurs ont des goûts différents. Dès lors, ces derniers demandent de la variété, et en introduisant de nouveaux produits, l’entreprise freine l’entrée de nouvelles firmes.
Focus : la loi de Hotelling
Afin d’illustrer les effets de la segmentation et de la différenciation sur la concurrence, Lévêque présente le paradoxe du marchand de glaces, communément appelé loi de Hotelling. D’après ce paradoxe, deux vendeurs de glaces doivent se placer sur une plage au sein de laquelle les clients sont répartis de manière uniforme. En se plaçant au milieu de la plage, côte à côte, la rivalité entre les deux glaciers sera très forte, mais chacun pourra traiter toute la demande. En se plaçant aux extrémités de la plage, chaque vendeur profitera d’une clientèle propre étant donné que les vacanciers du bord de mer souhaitent réduire leur distance au glacier.
Cela induit davantage de clients potentiels et moins de concurrence, donc une meilleure marge unitaire. Selon l’auteur, un bon compromis pourrait être de s’installer à une distance raisonnable l’un de l’autre, entre le milieu et chaque extrémité de la plage.
Les liens entre innovation et concurrence
« Les nouvelles technologies ont offert l’opportunité à des myriades d’entrepreneurs d’entrer sur des marchés auparavant fermés. », F. Lévêque
Au sein de cette troisième partie, Lévêque explique que, grâce à l’innovation, la concurrence change de dimension. Ainsi, l’accélération des innovations a permis de rendre les effets perceptibles sur la concurrence. En effet, une part croissante des consommateurs adopte rapidement de nouveaux produits en délaissant les anciens, alors qu’une partie des entreprises sont marginalisées au bénéfice de nouveaux entrants.
L’auteur prend ainsi l’exemple de « l’ubérisation » dans le rasage mécanique. Pour ce faire, il se base sur la théorie schumpétérienne afin de conclure que l’innovation n’est pas seulement issue de la technique. En effet, il explique que Michael Dublin, à la tête du Dollar Shave Club, a entamé la suprématie de Gillette dans le rasage mécanique.
Son idée ? Envoyer par la poste des lames de rechange tous les mois au domicile du consommateur. Cette innovation évitait aux consommateurs de se rendre au supermarché et de se raser pour moitié plus cher. Et les résultats ne se sont pas fait attendre : ce modèle a conquis 10 % du marché américain des lames de rasoir. Par analogie, il justifie le succès d’Uber par une innovation induite d’une pression concurrentielle. Ainsi, pour rester en tête, il faut grandir très vite, donc servir le plus grand nombre de marchés locaux de la planète.
Cependant, Lévêque nuance cette tendance concurrentielle de l’innovation, car selon lui, les évolutions technologiques sont à l’origine de la création de nombreux marchés protégés par des droits de propriété intellectuelle ou « retranchés derrière des effets de réseau ».
Le rôle distributif de la concurrence
Enfin, au sein de cette dernière partie, Lévêque démontre que la concurrence produit des effets redistributifs majoritairement aléatoires. Ce paradoxe soulève donc des questions d’égalité et d’équité.
L’auteur prend ainsi l’exemple des surenchères des droits du football : les transferts et salaires des joueurs de football coûtant de plus en plus cher aux clubs, l’argent vient majoritairement des droits de retransmission TV. Selon lui, les recettes de retransmission augmentent pour les chaînes.
Cette augmentation trouve deux explications. D’une part, le football est devenu plus attractif au fil des années et d’autre part, la concurrence pour l’achat des droits exclusifs favorise l’innovation des chaînes TV, avec notamment une augmentation de la qualité de retransmission. La concurrence entre les clubs et les grandes ligues européennes est ainsi devenue vive pour attirer les plus grands talents. Dès lors, l’argent récolté aux enchères établissant les droits de retransmission va ainsi en grande partie aux clubs et aux salaires des joueurs. Ainsi, plus les droits exclusifs rapportent aux ligues (grâce à la forte concurrence), plus les clubs et les joueurs gagnent.
Finalement, Lévêque explique en quoi la concurrence d’aujourd’hui est différente de celle d’avant 1980. D’abord, cette différenciation provient de l’extension accélérée des marchés (réduction des coûts de transaction, libéralisation, diminution des taxes aux frontières). En outre, cette différenciation est, selon l’auteur, due à l’accélération de l’innovation. Pour lui, trois technologies d’application générale majeures ont émergé depuis 1970 : l’informatique personnelle, Internet et le smartphone.
Quelques outils pour tes dissertations
Nous te proposons ici quelques chiffres et citations clés à utiliser (sans modération) dans tes copies d’économie !
Les chiffres clés
- Concernant les variations du prix des conteneurs. Entre 2000 et 2010, le prix du conteneur a atteint un point bas à 1 350 dollars en 2002 et un pic à 2 350 dollars en 2008. Une forte chute a suivi après la crise financière. Cela illustre la baisse des prix issue d’un marché au sein duquel la concurrence est forte. Afin de réduire leurs coûts, les producteurs de conteneurs ont optimisé leurs procédés de fabrication, rationalisé leurs achats, évalué comparativement les performances des usines, amélioré la chaîne logistique de la livraison aux clients ou encore diminué le coût d’accès au capital.
- Concernant l’effet de la concurrence sur le marché des jeux d’argent. 85 % des mises sont redistribuées aux joueurs de casinos, contre 65 % aux joueurs de jeux FDJ. Cela démontre la forte influence de la situation monopolistique de la FDJ sur les prix. Celle-ci est alors dite « price-maker ».
- Concernant l’effet de la délocalisation sur les prix des produits. Au début des années 1990, les premiers fabricants de jouets se sont tournés vers la Chine pour réduire leurs coûts. Depuis, presque tous ont suivi, entraînant une baisse des prix. La délocalisation en Chine des fabricants de jouets serait à l’origine d’une baisse de 17 % des prix des jouets sur les 20 dernières années en France.
- Concernant le changement des canaux de distribution des livres. En 1995, environ 2 000 librairies indépendantes vendaient 28 % des livres. Aujourd’hui, elles sont moins de 1 000 et réalisent moins de 5 % des ventes. Les consommateurs leur ont préféré les chaînes de librairies et les commandes en ligne. Ce déclin s’explique en partie par la perte de recettes et de marges sur la vente de livres à succès.
Les citations à retenir
« La fusion des concepts de concurrence et de marché a été malheureuse, chacun mérite d’être traité pleinement et séparément. » George Stigler, Perfect Competition, Historically Contemplated, Journal of Political Economy, 1957.
« Le principe général de la liberté de choix dans la dépense de son revenu ne s’applique pas seulement à sa répartition en grandes masses pour l’alimentation, le logement, etc. Il inclut aussi la liberté d’exprimer sur le marché une demande pour les saucisses de Smith si l’on croit qu’elles sont supérieures à celles de Jones. » E. H. Chamberlin, The Theory of Monopoly and Competition, 1954.
« Il convient de reconnaître que la manière dont le marché répartit les bénéfices et les pertes serait dans de nombreux cas considérée comme injuste si c’était le résultat d’une action redistributive délibérée. » Hayek, The Constitution of Liberty, 1960.
C’est tout pour cette fiche qui, nous l’espérons, t’aura permis de tirer quelques exemples à utiliser dans tes copies ! Pour plus d’articles à propos de la prépa littéraire, rejoins-nous juste ici ! Sur un sujet proche, nous t’invitons également à consulter cet article sur la concurrence en économie.