Pour t’aider à surmonter la montagne de travail qui t’attend, on te propose un récapitulatif de la situation politique allemande de février dernier.
Qui étaient les candidats à la chancellerie ?
Friedrich Merz était toujours le candidat de la CDU-CSU. Il prônait des mesures drastiques contre l’immigration et tournait le dos à la politique migratoire décidée par Angela Merkel. Il souhaitait limiter l’accès à la nationalité allemande. La CDU a obtenu 28,6 % des votes.
Alice Weidel était la tête de liste de l’AfD, parti qui a gagné 20,8 % des votes aux élections de février 2025. Elle s’oppose à l’immigration, souhaite un rapprochement avec la Russie et détient le soutien d’Elon Musk. Celui-ci lui a offert une tribune sur X en janvier, ce qui a soulevé de nombreuses questions quant à de possibles ingérences étrangères pendant la période de campagne.
Le SPD et les Verts arrivent ensuite dans les sondages avec respectivement 16,4 % et 11,6 %. Olaf Scholz représente finalement le SPD, alors que Boris Pistorius, son ministre de la Défense, était le favori. Il a déclaré qu’il n’enverrait pas de missiles à longue portée à l’Ukraine. Chez les Verts, c’est l’actuel ministre de l’Économie et du Climat, Robert Habeck, qui se trouve en tête de liste. Les Verts souhaitent conserver une ligne centriste, en particulier en ce qui concerne l’immigration.
Les libéraux du FDP (non représentés au Bundestag avec 4,3 %), le parti de gauche Die Linke (8,8 %) et le nouveau parti de gauche radicale BSW (5 %) auraient pu ne pas être représentés au Bundestag. Il faut effectivement obtenir au moins 5 % des voix pour avoir des sièges au Bundestag (Fünfprozenthürde), à moins d’avoir gagné des mandats directs (Direktmandate). Ces mandats directs sont obtenus lorsque le parti obtient la majorité dans un Land.
Quelles évolutions dans la politique allemande depuis décembre ?
Le « cordon sanitaire » a été rompu par la CDU
Depuis la Seconde Guerre mondiale, aucun parti ne s’était allié à un parti d’extrême droite. Or, pour la première fois, la CDU/CSU a pu compter sur le soutien de l’AfD pour voter une motion sur la politique migratoire. Si cette « collaboration » a provoqué une onde de choc, elle a été comprise par certains électeurs comme une stratégie de la CDU/CSU consistant à attirer les électeurs de l’AfD en reprenant certaines de leurs thématiques importantes, comme l’immigration. La motion a finalement été rejetée en deuxième lecture.
Angela Merkel a fortement critiqué cette motion, rappelant la nécessité de ne chercher des majorités qu’avec des partis du centre, une position que Friedrich Merz avait lui-même défendue à l’automne. Cette « collaboration » a provoqué de nombreuses manifestations dans tout le pays : près de 250 000 personnes ont ainsi exprimé leur mécontentement.
Des discussions ravivées autour de l’interdiction de l’AfD
Le Bundestag a débattu pour la première fois de l’opportunité d’interdire le parti d’extrême droite AfD, à l’initiative de 124 députés. Ce débat intervient dans un contexte sociétal particulier : la 80e commémoration de la Shoah et un attentat ayant fait deux morts la semaine précédente à Aschaffenbourg (Bavière).
Après les attentats du marché de Noël à Magdebourg et cette attaque au couteau, l’immigration est devenue un point central des élections anticipées, dont l’AfD profite pleinement.
Quels sont les autres thèmes importants de ces élections anticipées ?
Outre l’immigration, l’économie est une thématique centrale aux yeux de beaucoup d’Allemands, en particulier des jeunes. Ceux-ci, et particulièrement dans l’Est, soutiennent de plus en plus l’AfD, un phénomène qui contraste avec leur soutien antérieur aux Verts et au FDP.
Cette évolution est liée à la stagnation économique, à des perspectives d’emploi limitées et à une faible mobilité sociale, exacerbées par la crise post-Covid. L’AfD attire ces électeurs avec son idée de « somme nulle », où la réussite des autres est perçue comme une perte pour la population locale. Le prochain gouvernement allemand devra probablement réorganiser l’aide sociale et renforcer les liens sociaux pour contrer la dérive populiste et redonner espoir aux jeunes.
Un autre élément prend de l’importance dans la course à la chancellerie : la guerre en Ukraine. Celle-ci coûte cher à l’Allemagne, qui a déjà versé près de 40 milliards d’euros à Kiev et accueilli plus d’un million de réfugiés. Mais le pays fait face à des tensions économiques internes, avec une inflation élevée, une baisse du pouvoir d’achat, des licenciements dans l’industrie automobile, une chute des exportations et une hausse des prix de l’énergie.
Le budget fédéral de 2025 est également sous pression et pourrait relancer les débats concernant le frein à l’endettement (Schuldenbremse).
Ces thématiques ont évolué après les élections
Le Bundestag a modifié la Loi fondamentale (Grundgesetz) et permet des investissements de plusieurs milliards dans la défense et l’infrastructure. Il fallait pour cela une majorité de deux tiers au Bundestag. Or, avec les élections anticipées, en raison de la force de l’AfD au Bundestag, cette mesure aurait été impossible. C’est pour cette raison qu’elle a été votée avec l’ancien Bundestag.
Des investissements de 500 milliards ont été décidés pour réarmer l’Allemagne. 500 milliards d’euros ont par ailleurs été prévus pour les routes, les réseaux d’énergie, les écoles, les installations sportives et la protection du climat.
Cette modification de certains aspects du frein à l’endettement (Schuldenbremse) constitue une petite révolution à l’échelle du pays et de l’Europe.
Par ailleurs, Julia Knöckner a été élue Bundespräsidentin en mars 2025, succédant à Viola Amherd. Elle se concentre sur des compromis face à des temps jugés incertains. Dans son discours, elle a insisté sur son engagement à exercer sa fonction avec impartialité et à promouvoir un débat respectueux.
Elle souhaite également une réforme électorale supplémentaire pour rendre le système plus compréhensible et équitable, notamment après la réduction de la taille du Bundestag. Ancienne ministre de l’Agriculture et députée de longue date, elle aura la tâche difficile de maintenir l’ordre dans un Parlement où le ton des débats s’est durci, notamment avec la montée de l’AfD. Elle pourrait aussi renforcer les sanctions pour améliorer le respect des règles au sein de l’hémicycle.
Vocabulaire
- « Cordon sanitaire » : le cordon sanitaire
- Flüchtlinge aufnehmen : accueillir des réfugiés
- sich verbünden mit : s’allier avec
- ausschließen von : exclure quelque chose de
- den Zugang zur deutschen Staatsangehörigkeit beschränken : limiter l’accès à la nationalité allemande
- drastische Maßnahmen befürworten : prôner des mesures drastiques
- Wähler anziehen : attirer des électeurs
- Die Wahlabsichten : les intentions de vote
- den Rücken kehren : tourner le dos à (einer Politik den Rücken kehren)
- der Spitzenkandidat : la tête de liste
- die 5% Hürde : la limite des 5 % pour qu’un parti soit représenté au Bundestag
- das 80. Gedenken an den Holocaust : la 80e commémoration de la Shoah
- ausländische Einmischung : l’ingérence étrangère
- direkte Mandate : les mandats directs
- der Anschlag : l’attentat
- die Schuldenbremse : le frein à l’endettement
- das Grundgesetz : la Loi fondamentale