Cet article va traiter du sujet de la « culture war ». Tu en as très probablement déjà entendu parler en cours. C’est un sujet qui fait débat encore aujourd’hui et qu’il est important de bien assimiler.
Définition de la « culture war »
Il s’agit d’un conflit culturel entre différents groupes sociaux. Elle fait référence à la lutte pour la domination de leurs valeurs, croyances et pratiques. Les sujets brûlants sur lesquels il existe un désaccord sociétal général et une polarisation des valeurs se trouvent fréquemment au cœur des « culture wars » dans le monde contemporain.
Plus précisément, le terme de « culture war » est communément utilisé aux États-Unis pour décrire la politique contemporaine de la puissance mondiale. En effet, les thèmes de l’avortement, de l’homosexualité, du multiculturalisme et d’autres conflits culturels fondés sur des oppositions de valeurs, de mode de vie, constituent le clivage politique majeur.
Les manifestations de la « culture war » dans les pays anglo-saxons
Aux États-Unis
Les manifestations de la « culture war » aux États-Unis se sont intensifiées au cours des dernières années. L’aspect multiculturel de la société américaine est en effet très propice à l’éclosion de débats sociétaux, qui se retrouvent rapidement au cœur du débat politique.
Ainsi, au début de la pandémie mondiale, la Covid-19 est devenue le principal sujet de débat aux États-Unis, en moins de deux mois. Le parti conservateur défendait les droits constitutionnels des Américains, qu’il considérait violés par les obligations de port du masque et les confinements répétitifs.
Au contraire, le parti libéral s’y opposait virulemment, considérant que les libertés individuelles devaient être sacrifiées au nom de la santé publique. Le gouverneur du Dakota du Nord, Doug Burgum, avait même déclaré que l’opposition au port du masque n’était qu’une « senseless culture war » qui mettait en danger la santé des Américains.
Une opposition accrue entre les républicains et les démocrates
Plus généralement, aux États-Unis, depuis le début des années 2000, la « culture war » s’est transformée en une opposition accrue entre les républicains et les démocrates. Les enjeux associés à la « culture war » se sont élargis dans les années 2010 avec le mouvement Black Lives Matter, les protestations contre l’hymne national américain (le 23 février 2019, huit joueurs de l’équipe masculine de basket Ole Miss ont mis un genou à terre pendant l’hymne), le débat autour du changement climatique, la politique de santé dont l’Obamacare, les droits des personnes LGBT (ce qui a notamment fait débat en 2017), le rôle de la religion, etc.
De nombreux exemples de manifestations de la « culture war » aux États-Unis peuvent encore être cités, mais un des faits les plus marquants, à l’échelle mondiale, concerne les renversements de statues à répétition. Par exemple, la statue de Junipero Serra, grand évangélisateur des peuples indigènes de Californie, a été enlevée du Golden Gate Park de San Francisco. En 2019, dans la même ville, la plateforme de reconnaissance faciale d’Amazon, Rekognition, a été bannie après avoir été contestée par des militants qui craignaient que ce type de surveillance se retourne contre eux et soit vendue aux gouvernements.
Au Royaume-Uni
La « culture war » qui règne au Royaume-Uni diffère de celle qui a dominé aux États-Unis depuis des décennies. La politique britannique, en dehors de l’Irlande du Nord, n’est pas emprisonnée dans un conservatisme religieux. Elle laisse place à un plus large consensus social et politique en faveur de l’égalité des homosexuels, ce qui était autrefois impensable. De même, le droit légal à l’avortement n’est pas aussi fragile qu’aux États-Unis.
Le Brexit a révélé un clivage fondamental entre individualistes et communautaristes. En effet, la culture politique britannique a toujours été conflictuelle et contradictoire. À cela s’ajoutent les nombreux conflits culturels et identitaires qui ressassent des blessures passées telles que celles de la génération Windrush, ou encore de l’esclavagisme.
Ainsi, la statue d’Edward Colston, un marchand d’esclaves, a été déboulonnée à Londres par des manifestants et remplacée par celle d’une manifestante du BLM (Black Lives Matter). La statue de Cecil Rhodes à Oxford fait également polémique. Homme d’affaires et homme politique en Afrique du Sud, l’héritage colonial du riche philanthrope est terrible au regard des normes éthiques actuelles. Mais on ne peut ignorer ses dons à l’Université d’Oxford, sans lesquels des milliers d’étudiants n’auraient pas pu payer leurs études.
Les clivages sur les questions culturelles (immigration, multiculturalisme, intégration, terrorisme, sécurité nationale, etc.) continueront de définir le discours politique national post-Brexit pendant un certain temps.
Au Canada
Une statue de John Macdonald, le Premier ministre du Canada qui a unifié le pays, a été renversée en août 2020 à la suite des manifestations du BLM. Il est aujourd’hui critiqué pour sa politique ciblant les enfants indigènes (organisation de la famine pour exclure les Indiens de leurs terres et les rassembler dans des réserves).
Un débat qui s’intensifie
Les divisions sociétales découlant de telles oppositions remettent en question la validité et la légitimité des « culture wars ». En effet, de nombreux actes ont été assimilés à la très critiquée « cancel culture ». La « cancel culture » fait référence à la pratique populaire consistant à retirer son soutien aux personnalités publiques et aux entreprises après qu’elles ont fait quelque chose de répréhensible ou offensant.
En été 2020, parallèlement au mouvement BLM, un débat a éclaté sur ce type d’activisme. Le féminisme et les personnes luttant contre le racisme utilisent souvent cette technique pour boycotter, blâmer des personnalités publiques. Cette pratique est néanmoins réprimée par les défenseurs de la liberté d’expression, comme l’illustre la lettre ouverte publiée dans Harper’s magazine signée par 173 écrivains.
La « cancel culture » conduirait à la restriction des libertés individuelles, à des débats baveux qui ne tolèrent qu’une opinion. Ainsi, Bari Weiss a démissionné du NY Times en juin 2020, affirmant que le journal ne permettait pas correctement à différentes opinions de s’épanouir et contribuait, à sa manière, à la propagation de la « cancel culture ».
La « culture war », une réalité ?
Certains théoriciens avancent l’idée que le terme de « culture war » n’a été inventé que pour créer des « in-groups » et des « out-groups » dans un but politique : exploiter les différences et les griefs.
En 2005, Morris P. Fiorina a ainsi critiqué la notion même de « culture war », la qualifiant de mythe. Selon lui, les Américains sont moins polarisés qu’avant. D’après les statistiques, depuis 1970, la proportion d’Américains s’identifiant comme démocrates ou républicains a largement baissé, prouvant que l’électorat est moins partisan. Les États-Unis se distinguent des autres nations, car « eux seuls ont fait de l’expérience des immigrés une partie de leur identité nationale ».