économie

Robert Emerson Lucas Jr. est né en 1937 à Yakima, dans l’État de Washington (États-Unis). Initialement attiré par l’histoire, il se réoriente en économie et suit ses études à l’Université de Chicago, où il est profondément influencé par le courant libéral et monétariste, en particulier par Milton Friedman. Après l’obtention de son doctorat, Lucas devient professeur à l’Université Carnegie-Mellon, puis retourne enseigner à Chicago, où il restera l’une des figures majeures de l’École de Chicago. Ses recherches visent à doter la macroéconomie de micro-fondements solides, intégrant les comportements individuels dans les modèles agrégés. Lucas reçoit en 1995 le prix Nobel d’économie pour ses contributions majeures à la théorie des anticipations rationnelles et à l’analyse des cycles économiques. Il est décédé le 15 mai 2023.

Les grandes théories de Robert Lucas

Les anticipations rationnelles

Robert Lucas reprend et développe l’idée de John Muth selon laquelle les agents économiques forment des anticipations rationnelles. Cela signifie qu’ils utilisent toutes les informations disponibles et tiennent compte de la logique des politiques économiques mises en place pour prévoir leurs conséquences.

Dans les années 1970, à une époque où les politiques de relance keynésiennes échouent à relancer l’économie et où l’inflation reste élevée malgré le chômage – un phénomène appelé stagflation –, Lucas remet en cause les modèles économiques dominants. Ces modèles supposaient jusqu’alors que les agents basaient leurs décisions sur les tendances passées (anticipations adaptatives) et que les relations économiques observées (comme celle entre chômage et inflation) restaient stables. Lucas montre au contraire que, dès qu’une politique est prévisible, les agents l’anticipent et adaptent immédiatement leur comportement, ce qui annule ses effets attendus.

Exemple

Si l’État annonce qu’il va augmenter la masse monétaire pour stimuler la demande et réduire le chômage, les agents anticipent une hausse future des prix et ajustent immédiatement leurs comportements (hausse des prix, revendications salariales, placement dans des actifs refuges). Résultat : l’effet de relance attendu est neutralisé.

Limites

  • Supposer une information parfaite et un raisonnement rationnel de tous les agents peut paraître irréaliste.

  • Les crises financières récentes ont montré que les anticipations peuvent être biaisées ou irrationnelles.

La critique de Lucas (1976)

Dans les années 1970, les modèles keynésiens prédisaient des effets positifs des politiques de relance sur la croissance et l’emploi. Or, ceux-ci ne se matérialisaient pas. Lucas affirme qu’on ne peut évaluer l’impact des politiques économiques à partir de relations statistiques issues du passé, car ces relations changent lorsque les règles du jeu changent. Les agents adaptent leur comportement aux nouvelles politiques, ce qui rend obsolètes les modèles économétriques classiques.

Dans les années 1970, les modèles keynésiens prédisaient des effets positifs des politiques de relance sur la croissance et l’emploi. Or, ceux-ci ne se matérialisaient pas.

Exemple

Un gouvernement qui augmente les dépenses publiques pour stimuler la demande risque de provoquer une hausse immédiate des prix et des taux d’intérêt anticipée par les agents, ce qui réduira la consommation et l’investissement privé.

Limites

  • Tous les comportements ne changent pas systématiquement face à une nouvelle politique, en particulier à court terme.

  • Certaines interventions publiques peuvent avoir un impact durable en situation de crise ou de blocage.

La théorie des cycles économiques réels

Lucas propose de considérer que les cycles économiques sont principalement dus à des chocs réels (technologiques, démographiques, réglementaires) plutôt qu’à des chocs monétaires. Les fluctuations de l’activité résultent de réactions optimales des agents à ces changements de données fondamentales. Il remet en cause, une fois de plus, les explications keynésiennes des crises et l’avènement des nouvelles technologies numériques.

Exemple

Un progrès technologique majeur dans un secteur entraîne une hausse de la productivité et des profits, incitant à l’investissement et à l’embauche, ce qui stimule la croissance. À l’inverse, un choc pétrolier freine la production et augmente les coûts, ralentissant l’économie.

Limites

  • Cette théorie minimise l’impact des crises financières et des phénomènes psychologiques (panique bancaire, bulles spéculatives).

  • Elle suppose que les marchés s’ajustent rapidement et que les chocs sont positifs ou négatifs, mais neutres à long terme.

Conclusion

Robert Lucas reste encore aujourd’hui une référence en matière d’économie, et plus précisément de macroéconomie. Il mènera un combat contre les idées keynésiennes qu’il juge parfois absurdes. Il reconnaîtra moins à Keynes sa contribution à la théorie économique proprement dite que le rôle que ses idées ont joué pour endiguer l’expansion du socialisme. Lucas ira même jusqu’à traiter ce dernier de « traître », ce qui scellera définitivement les différences de visions des deux économistes.