Sahel

La stabilisation du Sahel est depuis longtemps un défi majeur qui mobilise tout un tas d’acteurs internationaux. La situation dans cette zone, marquée par les conflits armés, une insécurité croissante, des défis humanitaires, des défis environnementaux, etc., est un exemple parfait, que tu pourras caler dans beaucoup de sujets de dissertation ou de colle. Elle incarne les enjeux de la stabilisation d’une région stratégique et de la gestion des ressources, l’insécurité, la difficulté des institutions internationales à gérer les conflits… Bref, connaître la longue et difficile stabilisation du Sahel est nécessaire pour proposer des exemples précis dans tes copies.

De quoi parle-t-on ?

Déjà, définir le Sahel, c’est compliqué. Si beaucoup d’analystes s’accordent sur le fait que le Sahel est une zone géographique comprise entre le désert du Sahara et la savane soudanaise, sa délimitation exacte prête à de nombreux débats. Ici, nous retiendrons la zone géographique définie par les pays du G5 Sahel, qui inclut la Mauritanie, le Burkina Faso, le Tchad, le Niger et le Mali, soit une surface de cinq millions de kilomètres carrés, abritant 80 millions d’habitants.

Le Mythe de Sisyphe raconte l’histoire d’un roi condamné par les dieux pour avoir défié leur autorité. Sa punition : pousser un rocher jusqu’au sommet d’une colline pour le voir redescendre chaque fois qu’il réussit, le forçant à recommencer sans fin. Tout comme Sisyphe, le Sahel semble condamné à un effort sans fin. Les efforts régionaux et internationaux pour stabiliser cette région semblent constamment détruits par de nouveaux défis. Chaque avancée, qu’elle soit militaire, politique ou humanitaire, se voit anéantie par de nouveaux groupes armés, la persistance de l’instabilité politique ou la pauvreté, par exemple.

Depuis quand ?

Si, depuis quelques années, les défis de la stabilisation du Sahel sont particulièrement traités dans les médias, les problèmes auxquels la région fait face sont nombreux et anciens.

Déjà, pendant la période coloniale, les frontières avaient été tracées arbitrairement, ignorant les réalités ethniques et géographiques, et poussant les pays à s’engager dans des conflits armés, comme l’illustre la guerre de la bande d’Agacher entre le Mali et le Burkina Faso, en 1985. Par ailleurs, on peut citer les grandes sécheresses de 1974 et 1985, les famines ou encore les rébellions touarègues dès 1916 au Niger.

Bref, la question sahélienne est d’actualité, mais pas seulement.

Les facteurs de la crise sahélienne

Les facteurs endogènes

Les frontières

Comme dit précédemment, les frontières ont été tracées arbitrairement et géométriquement par les colonisateurs européens. Ce tracé, perçu comme injuste, engendre naturellement des tensions, pouvant même aller jusqu’aux conflits armés. Si elles ne sont plus aujourd’hui l’objet de conflits territoriaux purs, les litiges frontaliers peuvent ressurgir à des occasions spécifiques.

L’État patrimonialisé

Le Sahel est marqué par un échec de l’État en tant que construction politique. Selon Bertrand Badie dans L’État importé : l’occidentalisation de l’ordre politique (1992), l’État post-colonial serait un produit d’importation totalement artificiel aux sociétés.

La corruption et le clientélisme

Les administrations du Sahel sont largement corrompues et soumises au clientélisme. Les régimes politiques de la région sont marqués par une gestion opaque des ressources et des fonds publics par les élites pour favoriser leurs intérêts et leur propre réseau. Ce clientélisme empêche très souvent les États de jouer leur rôle, favorisant leurs intérêts particuliers plutôt que l’intérêt général.

L’extrême pauvreté

Elle touche entre 40 % et 50 % de la région. Les populations des pays du G5 Sahel sont parmi les plus pauvres du monde. En témoignent leurs IDH en 2019 : 0,546 pour la Mauritanie, 0,452 pour le Burkina Faso, 0,394 pour le Niger (soit le dernier pays en matière de développement), 0,398 pour le Tchad et 0,434 pour le Mali. Par ailleurs, la présence de bidonvilles dans la région est devenue une norme. Les quartiers informels représentent plus de 75 % du modèle urbain au Sahel.

La présence des groupes armés

Les groupes armés se multiplient. Ils viennent contester l’État en place ou viennent constituer une police parallèle. C’est le cas, par exemple, des chasseurs dozos, un groupe d’autodéfense présent notamment au Burkina Faso, qui assurent des missions de sécurité de manière informelle dans le pays depuis très longtemps. Le problème, c’est que les Dozos sont parfois perçus comme des partisans de certaines factions ethniques, ce qui peut exacerber les tensions ethniques locales.

Les facteurs exogènes

L’influence des groupes extrémistes

Les organisations djihadistes internationales comme Al-Qaïda ou l’État islamique exploitent les faiblesses locales pour étendre leur influence, recruter des membres et mener des opérations dans la zone.

L’installation de nouveaux courants islamiques au Sahel

Le wahhabisme en est un exemple. Ces mouvements revendiquent le retour à un islam des origines et prônent la lutte contre les mouvements traditionnels (le soufisme, par exemple), vus comme corrompus. Même si tous les imams wahhabites ne sont pas directement affiliés aux groupes terroristes, la diffusion de leur doctrine a favorisé la cohabitation et la filiation avec les mouvements djihadistes terroristes, comme AQMI ou Daech.

Les crises des pays voisins

Le Sahel étant une région bordée par de nombreux pays, elle est naturellement influencée par les crises voisines. Par exemple, la crise libyenne en 2011 a eu une influence majeure sur le développement de la crise malienne en 2012. Mouammar Kadhafi avait rassemblé une légion islamique constituée de combattants étrangers. Or, après sa chute, ces mercenaires ont pris les armes et sont rentrés au Mali, au Tchad ou au Niger. À l’époque, le président malien, Amadou Toumani Touré, les a accueillis sans exigence particulière. Ils sont donc venus renforcer les groupes de mercenaires déjà installés dans le nord du Mali.

Les effets du changement climatique

Le Sahel est en effet particulièrement vulnérable face à la variation des températures et des régimes pluviométriques. Il est en proie aux sécheresses, qui vont largement affecter l’agriculture. Le phénomène de désertification touche à l’heure actuelle 2/3 des terres cultivables, alors que l’agriculture représente 60 % de l’économie alimentaire sahélienne.

Montrer que la stabilisation du Sahel est bien comparable au mythe de Sisyphe

Compte tenu de cette situation et de l’ampleur des défis, les acteurs locaux, nationaux, régionaux et internationaux s’engagent, chacun promouvant des actions combinant développement, sécurité et stabilité politique. Pourtant, presque toutes ont été un échec à cause des facteurs exposés précédemment. Voici quelques exemples utiles.

La création du G5 Sahel

Cette coalition régionale, créée en 2014 pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé, est soutenue par la communauté internationale. Malgré les efforts coordonnés entre les cinq pays, la coalition peine à obtenir des résultats.

En témoigne, par exemple, l’Opération Maliko en 2019, qui ciblait les groupes armés dans la région des trois frontières, une zone particulièrement instable où se croisent le Mali, le Niger et le Burkina Faso. L’opération visait à affaiblir les groupes djihadistes, notamment l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), en menant des actions directes contre leurs bases et en établissant un contrôle plus efficace aux frontières. Pourtant, cette opération a échoué. Les groupes armés ont rapidement adapté leurs tactiques et, surtout, la coordination des membres du G5 Sahel a été trop lente, conduisant à des problèmes logistiques majeurs.

Par ailleurs, le G5 Sahel, étant composé de pays comptant parmi les pays les plus pauvres du monde, manque manifestement de financement. La coalition est donc naturellement confrontée à des contraintes budgétaires et a du mal à fournir le matériel et le soutien nécessaires. Et, les pays étant touchés par la corruption, les fonds internationaux ne sont pas toujours utilisés correctement.

Les accords de paix au Mali

Signés en 2015 à Alger entre le gouvernement malien et plusieurs groupes rebelles, ces accords étaient censés stabiliser le pays, en prévoyant notamment le désarmement des groupes rebelles ainsi qu’une intégration progressive de ces groupes dans les forces de sécurité et l’administration locale.

Pourtant, ces accords sont soumis à des violations répétées. Cela a été le cas, par exemple, en 2019 avec l’attaque de Kidal lorsque les forces gouvernementales ont lancé une opération militaire à Kidal (ville stratégique dans le nord du Mali), en ciblant les groupes rebelles qui avaient accepté les termes de l’accord. Cette attaque a exacerbé les tensions entre le gouvernement et les rebelles.

La Minusma

La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali a été créée en 2013, après la crise malienne de 2012, afin de rétablir la paix dans le nord du Mali. Elle s’engageait notamment à protéger les civils et à rétablir l’autorité de l’État dans les régions du nord, tombées sous le contrôle des groupes rebelles et djihadistes. Cependant, ces mesures se sont révélées inefficaces, puisque les affrontements entre les communautés ont continué malgré les efforts de l’ONU et les groupes armés djihadistes ont profité de ces divisions pour alimenter les violences.

Par exemple, en novembre 2019, la base militaire à Indelimane (nord-est du Mali) a été victime d’une attaque revendiquée par l’État islamique au Grand Sahara (EIGS). Plus de 50 soldats ont été tués par les véhicules bourrés d’explosifs. Cette attaque montre bien que, malgré les interventions militaires internationales, les groupes djihadistes continuent de poser une menace sérieuse dans la région du Sahel.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’ONU a mis fin à la Minusma en décembre 2023. D’abord parce que l’ONU a connu une détérioration des relations avec le gouvernement malien après le coup d’État de 2021. Mais surtout parce que les objectifs n’étaient pas atteints, notamment à cause des attaques contre les Casques bleus et de l’insécurité croissante dans la région. Cet exemple peut donc aussi être utilisé dans une copie ou une dissertation portant sur les difficultés des organisations internationales à gérer les conflits.

Tu peux aussi utiliser d’autres exemples, comme l’Opération Barkhane (2014-2022), l’échec du Programme d’aide au développement (PNUD) impulsé par l’ONU, ou le Plan de sécurisation intégré des régions du centre (PSIRC) initié par le gouvernement malien en 2017.

Conclusion

Tu en sais un peu plus sur la situation au Sahel et tu disposes maintenant d’exemples précis qui permettent de montrer que les opérations menées semblent être vaines, tant les facteurs d’instabilité sont puissants. Tout comme Sisyphe, les pays du Sahel semblent condamnés à des efforts cycliques.

 

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